Venetia Bird réajusta sa cravate et examina son reflet dans le miroir d'un air critique. Du haut de ses seize ans, l'adolescente avait, comme il était coutume à son âge, un problème avec tout. Son apparence, celle des autres, l'injustice de la situation. Car injustice il y avait, à n'en pas douter. Née d'une famille de classe ouvrière, rien ne lui permettait d'espérer mieux de la vie si ce n'était Arthur Thorne, son oncle. Elle aurait pu avoir une vie décente, en étant moldue. Mais il avait fallu qu'elle soit une sorcière. Une miette de talent magique, qui, contrairement aux grands espoirs de son père, ne donnerait jamais rien de plus que des résultats piètres. Travailler dur ? Inutile dans son cas : elle n'avait pas une once de prédisposition pour la magie, si ce n'est une aptitude à faire exploser ses chaudrons et transformer tout les sortilèges qu'elle essayait en tentative d'incendie. Elle se réveillait chaque jour morose, à se demander ce qu'elle fichait là, dans cette école, où la pureté du sang avait trop d'importance et le talent magique encore plus.
Alors, comme toute adolescente venant d'un milieu social défavorisé, elle avait besoin d'exutoire à sa frustration et sa haine de l'injustice. Loin de se sentir désespérée, elle se sentait profondément et irrémédiablement enragée. Elle n'avait pas demandé à naitre dans ces conditions, et elle n'allait certainement pas se laisser marcher sur les pieds en se confinant dans une place moins brillante que les autres. Hors de question. Alors oui Venetia, dans toute sa hauteur, s'en prenait à plus faible qu'elle. Un ricanement, un regard mal placé, un rien en soit pouvait déclencher sa colère et encourir son courroux. Et elle n'avait pas besoin de sa baguette pour se venger, ses poings, sa verve, et son habitude de la rue lui assuraient une une hargne sans pareille. En y repensant, c'était probablement pour cela qu'ils avaient essayé de la recruter au poste de Batteur de Quidditch... Mais se caler les fesses sur un manche à balai était hors de question. Elle avait décliné et s'était cantonnée à briller en étude des moldus avec un ennui profond et assumé. Pour en revenir à ses petits soucis de violence, son plus gros problème était que tout ces petits sorciers fragiles étaient de grosses balances, et qu'une fois de plus, sa Directrice de Maison, le professeur Chourave, avait été contrainte de la convoquer... et évidement de la mettre en retenue.
Venetia grogna et s'appliqua à défaire sa cravate pour lui donner volontairement l'air chiffonnée. Encore une retenue, un samedi matin qui plus est, sous la direction de Professeur Trelawney, cette espèce de vieille chouette tarée qui voulait qu'on réarrange toutes ses tasses de thé et qu'on polisse ses boules de cristal de vieille gitane. Comme si ça allait changer quoi que ce soit à son propre comportement. La jeune fille finit par jeter un dernier regard noir à son reflet qui de toute manière restait buté sur sa bouche trop grande, ses yeux trop enfoncés et ses oreilles trop décollées, et tourna abruptement les talons, quittant la Salle Commune des Poufsouffles pour filer à la Tour de Divination. Elle arrivait volontairement en retard, moue butée aux lèvres, quand elle aperçut la professeure et un autre élève. Elle n'était donc pas la seule malfrat du lot. Elle se présenta en bougonnant, et tandis que la vieille chouette s'évertuait à leur expliquer le travail attendus d'eux ce jour, elle avisa son compagnon d'infortune du jour.
Blondinet au teint pâle, il portait les couleurs de Serpentard, maison qui regroupait le plus de coincés qu'elle n'en ait jamais vu de sa vie. Une jalousie intense la saisit encore et elle serra la mâchoire. Personne ne savait d'où elle venait, et elle comptait bien garder les choses ainsi jusqu'à la fin de sa scolarité, mais ses origines moldues n'étaient en réalité un secret pour personne et les plaisanteries mesquines fusaient à la moindre occasion. Elle allait devoir jouer les dures. Venetia conserva donc une expression prudemment neutre - fermée et émettant l'aura de celle qu'il ne fallait pas emmerder. Grimpant l'échelle pour accéder à la salle de Divination où toutes les tasses et autres boules de cristal les attendait, Trelawney finit par déclarer qu'ils étaient plus que prêts à se débrouiller tout seul et qu'elle se devait de toute façon d'aller consulter les Arcanes. Elle les laissa seuls, chiffons en main, la pile impressionnante à finir avant midi.
Venetia laissa échapper un long, très long, soupir, et se tourna vers le jeune homme, le détaillant de la tête aux pieds. Il avait un peu une tête de premier de la classe et elle n'arrivait pas à imaginer ce qu'il avait pu faire pour atterrir ici. Sa curiosité eut raison d'elle, et elle lui souffla d'un air contrit, et de sa meilleure voix trainante
- Alors ? T'es là pour quoi toi ?
Elle n'attendait pas vraiment de réponse et se mit à astiquer une boule de cristal en grommelant. Quelle vie injuste quand on avait 16 ans !
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Dim 16 Juin - 12:04
