Alexei était assis là, seul à s’impatienter, attendant juste qu’on vienne le chercher. Il avait entamé une cigarette à son arrivée, et cette dernière était lentement entrain de disparaître. Il était clairement agacé face à la tournure qu’avez pris les événements. Comment avait-il pu se retrouver là?
Il avait des tas de choses bien mieux à faire, tel que simplement faire son job. Mais non, sa présence était requise et pour le coup, il ne pouvait pas vraiment refuser.
Toutes les personnes qu’il rencontrait ici au Ministère connaissait plus ou moins son parcours. Oui, il avait été Médicomage à Saint Mangouste et avait donc assister à pas mal de choses durant la guerre, mais ils auraient quand même pu se taire et éviter de parler de sa présence lors de ses événements. De fils en aiguilles, ce ne fut pas très compliqué pour découvrir que comme pas mal d’employés, Alexei a assisté aux actions des Mangemorts. Comme précisé : « pas mal d’employés », ils auraient donc parfaitement pu trouver quelqu’un d’autre pour témoigner contre ce mangemort. Alexei ne remet absolument pas en cause l’importance des témoignages qui résultent d’une véritable prise de conscience et d’un certain courage. Mais, il avait terriblement envie d’être ailleurs aujourd’hui, il détestait devoir être confronté à son passé sans en avoir fait la demande.
Certes, c ‘était un bon point pour lui que d’être témoin, il pourrait au moins se dire que si l’accusé finit à Azkaban (ce qui entre nous, est plus que probable), ça sera un petit peu grâce à lui. Et en tant que membre actif de la Brigade de la Police Magique, cela fait partie intégrante de son job.
Mais devoir se rendre au Ministère pour exercer un travail qui aujourd’hui à cause du blocage engendré par ce procès, n’a été qu’une série de paperasse pour au final arriver bien trop tôt et se retrouver dans une pièce annexe à attendre son intervention dans le procès, ce n’était pas du tout son but.
Sachant qu’afin de réaliser un témoignage de qualité, il avait longuement songé à ce qu’il s’était passé à l’époque.
Arrivé à Saint-Mangouste, Alexei ne connaissait, avec du recul, pas grand chose à la vie. Fraîchement diplômé des études supérieurs, ancien élève de Poudlard, fils unique aimé. Les deux seuls chocs qu’il avait vécu dans sa vie était son affectation de maison et le décès de sa mère. Et en y repensant ce n’était au final, pas grand chose. Loin de le rendre particulier, ces événements n’avaient été choquants que pour lui. Ces réactions du passé avaient été d’un égoïsme certain. Il était triste et avait forcé son entourage à subir une situation qui ne concernait que lui. Purement et simplement enfantin. Maintenant adulte, il regrettait de n’avoir pas géré tout cela différemment. Il aurait pu admettre la décision, passer plus de temps avec sa mère, soutenir son père davantage, il aurait pu faire tellement de choses différemment. Mais au final, tout cela n’était que regrets. Et on ne peut avancer décemment avec des regrets. Les choses sont faites, elles sont passées, on ne peut plus rien y changer.
Comme il ne peut plus changer ce qu’il s’est passé à l’hôpital. Il était arrivé, tellement heureux de pouvoir participer au bien être commun et à la protection de la population. Comme il était naïf.
On l’avait extrêmement bien accueilli, il avait même eu le privilège d’avoir une espèce de mentor avec qui il avait noué un lien plutôt fort pour lui permettre de trouver ses marques dans son nouveau métier. C’était plein d’ambition et de bonne volonté qu’il avait commencé à exercer dans un environnement plus que chaleureux. Et pourtant tout s’effondra lorsque la guerre commença. L’environnement n’était plus le même, chaque jour était un nouvel enfer. Entre les recherches incessantes sur l’origine des patients, les pillages de réserves, les blessés et la pression constante quant à son rôle dans tout ça. Alexei n’arrivait plus à garder l’envie d’exercer, pire que ça il commença un véritable dégoût de lui même. Il avait des capacités de soins et ne pouvait même plus l’exercer comme il le voulait. Il ne savait plus où était sa place et se sentait juste impuissant face à tout ce qu’il se passait dans le monde magique. Il ne savait pas quoi faire, ne pouvait pas embêter les autres avec ses ressentis car chacun avait bien mieux à se préoccupé à l’époque. Tout tourbillonnait dans sa tête dans un constant méli-mélo, ce qui le rendait très souvent nauséeux. Un peu comme actuellement, seul dans cette pièce à ressasser le passé, les ressentis de l’époque étaient toujours présents. La guerre l’a énormément changé, comme beaucoup, et pourtant en repensant à tout ça, il se sentait comme le jeune adulte de l’époque avec le même dégoût de son impuissance et les mêmes nausées brûlantes.
Il ne l’a jamais avoué à personne, mais ses questionnements de l’époque et sa vision très floue sur la barrière entre le bien et le mal l’ont conduit plus d’une fois à soigner des mangemorts, et ce en toute connaissance de cause. Un comble pour quelqu’un qui a fini par participer activement à la résistance et être à intégrer les brigades du Ministère. Il ne souhaitait pas particulièrement s’en cacher, mais personne ne lui a jamais posé directement la question. Et honnêtement, si des situations similaires arrivaient aujourd’hui, Alexei réaliserait exactement les mêmes actions. Se questionner autant lui a toujours beaucoup ouvert les yeux sur le monde qui l’entoure, et étant aujourd’hui bien plus mature, il ne voulait plus regretter quoi que ce soit. Ça lui a permis de grandir et de faire de lui l’homme qu’il est aujourd’hui.
Il avait fini par quitter Saint-Magouste , laissant derrière lui son impuissance et ses collègues. Une toute nouvelle vie s’est ouverte à lui, la résistance et la brigade lui ont apporté tellement plus que ce à quoi il aspirait.
Il n’a d’ailleurs jamais remis les pieds à l’hôpital. Dans un sens, il a toujours voulu savoir ce qu’il s’était passé après son départ, ce qu’était devenu les collègues, les patients, le lieu... Il a seulement entendu des échos: pas mal de départs motivés principalement par la peur. Et Alexei ne pouvait aucunement les juger, il avait été au cœur de tout ça et savait pertinemment ce qu’était l’état d’alerte constant qu’ils subissaient tous; et devoir supporter tout cela en plus de problèmes personnels et cela sur une durée bien plus longue que lui, ça devait être plus que difficile à gérer.
Certes il ne savait pas grand chose de ses anciens collègues. Ils avaient pu et dû créer un lien plutôt particulier, devant tous faire face à la même menace, au même cauchemar. Mais si aujourd’hui il devait se rendre à l’hôpital et découvrir que les 3/4 étaient morts, le choc serait violent. Et pourtant, il a assisté à plus de décès qu’il aurait voulu.
Le tirant de ses pensées, la porte finit par s’ouvrir. Instinctivement, il se leva, en profita pour défroisser d’un passage de main sa chemise, n’ayant pourtant pas eu l’occasion de s’abîmer : pur réflexe d’une personne ayant pris l’habitude de porter un costume mais ne voulant pas manquer de professionnalisme. Alexei pensait sincèrement que l’heure avait sonnée, et qu’il était temps pour lui d’aller témoigner, cependant quand il releva le regard, il se retrouva face à face avec son passé. Et malgré ses récents ressassements, il n’était pas prêt
du tout à devoir faire face à autant d’émotions.
« Bonjour. »
Ce mot sonna plus comme un murmure, l’écho se cogna contres les murs qui l’entourait, sa cigarette finit par s’écraser sur le sol, tout semblait bien trop calme d’un coup. Il ne savait pas si son interlocuteur allait le reconnaître, ce serait présomptueux de penser le contraire. Alexei n’avait pas vraiment changé physiquement, juste vieilli. Mais paradoxalement, comme chaque sorcier ayant survécu à cette guerre, les changements étaient bien plus profonds et se ressentaient sur l’extérieur.