L’éternité a duré une nuit.
L’éclat de la lune mendiante parvenait difficilement au travers des stores de son laboratoire. Pedro se réveilla en sursaut. Il s’était endormi sur ses parchemins et grimoires, sans voir les heures défiler. Son regard se porta automatiquement à la grande horloge en forme de hibou. 3h du matin. Par Merlin, il avait de sérieux problèmes d’insomnie. Depuis son retour du Pérou, il ne trouvait plus le sommeil et ce, malgré les nombreuses plantes et infusions qu’il prenait pour s’endormir plus facilement. Alors, il se réfugiait dans le travail jusqu’à en perdre la notion du temps et finissait généralement par s’écrouler dans ses recherches infructueuses.

Il était toujours étrange de se réveiller dans cet endroit, au cœur de Londres, aussi loin de ses plantes et de sa bien aimée Shae. En journée, le laboratoire grouillait de vie, de sorciers en blouses blanches, manipulant avec parcimonie des extraits de plantes, des fioles, des pipettes, des bols doseurs, des chaudrons, leurs baguettes magiques. Les pots, les plantes, les outils d’analyse, tout paraissait immobile dans ce silence de plomb. Tout paraissait figé dans un monde englué par le sommeil et la nuit. Seul le tic-tac de l’horloge émettait un son régulier et soporifique, plongeant la pièce dans une léthargie profonde. Pedro se redressa, s’étirant de tout son long. Ses membres étaient perclus d’ankylose et toutes ses vertèbres se mirent à craquer douloureusement sous l’action de l’étirement. Il déambulant dans la pièce tel un zombie, regardant les avancées et travaux de ses camarades. Certaines notes n’étaient compréhensibles que par le chercheur en question, d’autres montraient clairement que le collègue fonçait droit dans le mur.

Pedro se dirigea vers une grande fenêtre gothique qui donnait une vue imprenable sur Londres. A la lueur de la lune, il retroussa la manche de sa chemise pour observer l’état de sa blessure. Même si son avant bras paraissait totalement guéri, il savait que ce n’était qu’une apparence trompeuse. Le venin circulait toujours, se propageait dans toutes les cellules de son corps, pour l’empoisonner à petit feu. Il ressentait déjà les effets de cette blessure … la faiblesse l’envahissait, sa force magique n’était plus ce qu’elle était. Il avait clairement pu le constater au Pérou lors de son affrontement face à Maya et au dragon. Albar Uk lui avait rendu la vie. Mais sans son intervention, il serait probablement enterré six pieds sous terre aujourd’hui.

Tout en observant sa main magique, Pedro laissa échapper un lourd soupire de sens. Il fallait qu’il trouve le courage, au plus profond de lui même, pour avouer la situation réelle à Shae. Il ne pouvait pas lui cacher cet état de santé plus longtemps. Elle finirait par le découvrir et lire la déception dans ses yeux était plus douloureux que d’y déceler de la pitié. Il finit par détourner le regard de la vue londonienne et quitta prestement le laboratoire. Il transplana dans les rues de la capitale. Elles étaient vides et silencieuses. Un vent frais balayait les dernières traces d’un été particulièrement chaud et suffoquant.

Big Ben affichait 5h du matin. Les premiers rayons du soleil léchaient cette grande infrastructure majestueuse et complexe. Pedro s’arrêta à son pied, puis considéra le bâtiment avec une certaine émotion. Les moldus ne connaissaient pas la magie, ou du moins, ne la connaissaient pas avec la grande révélation, mais étaient dotés d’un talent certain. Construire de telles structures les rendait plus intéressant et moins antipathique. Il marchait la tête haute, le regard braqué sur les aiguilles de l’horloge, observant la puissance vertigineuse de l’édifice. Des pigeons virevoltaient tout autour lui donnant un côté aérien, presque planant. Les mains dans les poches de sa lourde veste kaki, Pedro ne regardait pas où il mettait les pieds. De toute façon, il était bien trop tôt pour faire attention à la foule moldu.

Les flux commençaient seulement à se réveiller vers 7h du matin, heure à laquelle le Botaniste préférait s’éclipser vers sa serre adorée. Mais alors qu’un détail retenait son attention, il percuta de plein fouet un inconnu qui passait sur son chemin. Le choc fut si brutal, qu’il tomba à la renverse. Tout un tas d’objets sortirent de ses poches – auxquelles il avait usé d’un sortilège d’extension – pour se rependre sur le sol. Des fioles, des grimoires, des sachets de graines magiques, un peu de terre, un œuf de Doxy et quelques antidotes s’étaient propagés tout autour de lui.

Rapidement, Pedro sortit sa baguette magique.

« Accio ! »

D’un mouvement leste et rapide, les objets lévitèrent pour regagner ni vu ni connu leur point d’origine. Mais malheureusement, le sorcier n’avait pas été aussi rapide qu’il l’aurait espéré. Le moldu qui se trouvait en face de lui – un beau jeune homme – le considérait avec des yeux étranges et légèrement interloqué. Il n’était en rien déboussolé par le choc, et ça Pedro le voyait très bien. Le Botaniste jeta un coup d’œil à droite, puis à gauche. Personne. Il était dangereux de sortir sa baguette magique en pleine rue, surtout au cœur de Londres. Mais il ne pouvait pas laisser risquer ce moldu de tout raconter, ou même de le balancer à la Chasse aux Sorcières.

« Je suis désolé, tu n'aurais pas du voir ça mon garçon.Je n'ai pas d'autres choix. Je vais devoir t'effacer la mémoire ... Tu comprendras, je ne veux prendre aucun risque. »