L'Allemand avait passé ces derniers jours à dévorer l'édition baudelairienne, apprenant ses poèmes quand il en avait le goût mais aussi le temps, se remémorant cette journée et le nombre splendide et terrifiant de péripéties qui s'y étaient suivies. Mais avant tout cela, le calvaire principal avait été d'écrire le rapport de cette mission, sans faire décliner la précision factuelle qu'on lui connaissait, il avait dû jouer avec ses mots avec de limiter les maux qu'il recevrait de la hiérarchie. Et cela n'avait pas loupé, il avait du parler de sa provocation face à l'esprit frappeur et, bien entendu, il eut du mal à expliquer sa réaction. L'Oubliator avait dû parler de la soirée en complet, même la seconde partie de chez les Bird, prétextant qu'il voulait s'assurer du bien-être de la famille, par un excès certain de zèle, et surtout en raison de la visite de l'Esprit Frappeur : en effet si celui-ci en avait parlé alors que cela n'apparaissait pas dans le dossier de l'Oubliator... N'en parlons pas.
Il était arrivé ce matin au Ministère comme tous les autres jours, avec un dossier qui trônait, sur le bureau, avec une petite note « A rectifier les passages surlignés. » L'Oubliator n'eut même pas besoin de regarder plus en détail pour savoir qu'il s'agissait, encore, du compte-rendu de mission de l'Esprit Frappeur et ses chefs qui voulaient arranger à leur guise les mots employés et les virgules placées. L'Allemand, dans un soupir, déposa ses affaires, mis son bureau en ordre et s'attela alors à la rectification. Il avait voulu, sur le moment, un peu d'action pour le changer de toute la paperasse habituelle et voilà que maintenant ce moment de plaisir lui demandait plus encore de travail éreintant. Ian, son nouveau collègue de bureau, rit un coup en entrant, voyant Klaus déjà en train d'écrire son rapport pour la énième fois. « Tu vois, la prochaine fois, faudra pas te plaindre d'une période calme ! » Gngngn. Sale con. L'Allemand ne souleva même pas la remarque, le salua d'un petit signe de la main avant de retourner à son œuvre. Pourtant, bon dieu qu'il avait raison. Ça ne lui reprendrait pas.
Il se redressa sur son fauteuil et se mit à faire une pile de dossiers, bien carrés et ratifiés. « Je vais voir le stagiaire, tu veux qu'il s'en occupe ? ». L'Allemand sursauta avant de regarder par son épaule, c'est son collègue qui, déjà debout, était en train de sortir du bureau, sur le point de crier le nom du pauvre stagiaire pour l'envoyer faire tout un tas de tâches ingrates, comme il est de coutume, dit-on, pour tous les stagiaires depuis tous temps. Mais non, l'Oubliator secoua la tête de droite à gauche. « Oh non, ne t'en fais pas. Je vais y aller moi-même. » Disant cela, sous le regard spécialement étonné de son voisin, il tapota la pile de dossiers à classer. Celui-là ne chercha pas plus longtemps à savoir le pourquoi du comment et sortit, criant, comme prévu, dans le couloir « HENRRRIIIIIIII. »
Klaus sortit alors un dernier ouvrage de son sac et le posa sur la pile, qu'il prit entre ses mains avant de se lever du bureau bien rangé. Il plaque les dossiers contre son buste avant de s'en aller par les couloirs, sa redingote bleue marine suivant le rapide mouvement d'un homme pressé et impatient. Il se rendit alors là dans le repère des célèbres gratte-papiers du Ministère avec les bilans de ses missions précédentes ratifiés et prêts à être insérés dans ces tiroirs d'archives à la taille toujours impressionnante. Il n'avait pas l'habitude de venir en ces lieux, il devrait, c'est là où les dossiers sont censés aller, mais souvent c'étaient des collègues moins gradés qui s'en chargeaient. Une fois n'était pas coutume, il s'y engagea et chercha des yeux sa cible favorite puis, une fois trouvée, avec qu'un sourire satisfait s'arracha à sa bouche, l'Oubliator s'avança d'un pas calme. Puis, une fois arrivé à son bureau...
« Mademoiselle Bird... Un petit peu de travail pour vous, je m'imagine que vous en manquez. Et un quelque chose avec. »
L'Allemand offrit un sourire amusé à la gratte papier du Ministère en tendant la pile de dossiers à trier, ainsi que, tout au-dessus de la pile, une œuvre bien reconnaissable des temps jadis. L'Oubliator pencha la tête de côté, cherchant ses mots, les bons mots, qu'il lui faudrait utiliser. Il toussota un petit instant avec de se jeter dans la gueule du diable : « Peut-être... Enfin il est bientôt l'heure de notre chère pause non-payée et ridiculement mince, voudriez-vous... ? » Il était là, se sentant un peu bête, dans cette salle si singulière et étrangère à son habitude, dans sa redingote recouvrant son habit ministériel. Il passa une main dans ses cheveux alors qu’il attendait la réponse, remettant derrière son oreille une mèche qui le gênait, lui-même assez gêné comme cela sans qu’on y rajoute encore une couche.
Ce sont les enfants sages, Madame, qui font les révolutionnaires les plus terribles.
Depuis ce fameux jour de décembre, Venetia Bird flottait sur un petit nuage rêveur. Idiote à en rester la bouche ouverte des heures durant en ce remémorant le baiser foudroyant, elle n'effectuait son travail qu'avec encore moins d'entrain qu'à l'accoutumée, et supportait encore moins les ragots de secrétaires. Non, vraiment, il fallait qu'elle se tire de ce boulot merdique avant de devenir folle - et d'étrangler une ou deux collègues au passage. Evidemment, Criquet avait été insupportable depuis ce fameux soir, lui faisant longuement la morale - lui demandant quels étaient ses plans en s'acoquinant avec un employé du Ministère bien propret tel que Klaus. Il avait insinué qu'elle aurait dû viser plus haut sur l'échelle hiérarchique et elle avait fini par imploser : plus mention de son nom ne serait toléré de façon si insultante et rabaissante. Elle en avait assez d'entendre ces sordides hypothèses lui rappelant douloureusement qu'un véritable amour ne lui serait jamais destiné - parce qu'elle aurait toujours quelque chose à y gagner et que la sincérité ne faisaient pas partie de leur mode de vie.
Ils arnaquaient, charmaient, prenaient, et ne rendaient rien. C'était aussi pour cela qu'elle avait été si hésitante, qu'elle avait d'abord pensé ne jamais faire rien d'autre qu'y penser. Elle n'avait rien à offrir, à part des sourires et des livres de poésie - et c'était bien peu. La voix criarde d'Octavia Hopper lui perça les tympans, la sortant de ses réflexions un peu sombres, et elle grimaça, se remettant à trier les dossiers. Elle en avait encore un petit nombre à reclasser et à arranger pour être distribués aux supérieurs hiérarchiques des Bureaux environnants, et elle en avait déjà ras la casquette. Récemment, elle s'était mise à rêver du luxe de posséder une baignoire, le froid humide anglais revenant chaque hiver sans faiblir. Sans nouvelles d'Ivan Nikitine et de son agence matrimoniale, elle espérait néanmoins encore pouvoir au moins rencontrer un possible pigeon. Et oh elle le séduirait, sans hésiter. Sans même y réfléchir, sans même culpabiliser. Et une fois mariée... Peut-être qu'elle parviendrait à continuer à voir Klaus. De temps en temps, l'apercevoir, lui parler. Lui sourire.
Venetia était perdue dans ses pensées, toujours obsédée par l'image de Klaus s'évanouissant dans le couloir de son immeuble bancal, l'ombre maigre d'un sourire aux lèvres, penchée sur son bureau, plusieurs plumes s'agitant autour d'elle, corrigeant et vérifiant les rapports. Le bruit s'évanouissait autour d'elle et elle se concentrait sur une tâche à la fois, les jambes croisées sur son tailleur le plus joli du moment. Elle s'apprêtait toujours à la perfection pour venir au Ministère ; du détail discret de ses lèvres rouges comme trop souvent mordues à la pointe de ses escarpins vernis, le tout enveloppé d'un nuage de parfum floral, léger mais persistant. Elle savait très bien que cette pie d'Octavia Hopper la critiquait d'ailleurs vertement à chaque occasion, incapable de maitriser la jalousie qui la saisissaient face à la vue de ses apprêts. Un sourire mesquin aux lèvres, elle songeait à lui retourner la monnaie de sa pièce sans qu'on puisse ne retracer jusqu'à elle quand un bruit de pas s'arrêtant devant son bureau lui fit redresser la tête.
Un sourire aux lèvres, un bon mot, et voilà qu'il était là. Toujours aussi élégant, et de bien meilleure allure que le premier soir qu'ils avaient partagé au Chaudron Baveur, Klaus lui tendait une pile de dossier avec son édition de Baudelaire au dessus. Venetia se fendit d'un sourire exquis, bien consciente des chuchotements de toutes les commères du service. Un Oubliator ! Ici ! Eux qui envoyaient leurs stagiaires la plupart du temps, ne s'abaissant pas à mettre les pieds dans leurs bureaux... Une bouffée d'orgueil monta en la jeune femme qui se redressa, prenant la pile en souriant, glissant sa jolie petite édition des vers de Baudelaire dans son sac avec un air complice.
- Voyons Klaus, je suis déjà ensevelie sous les dossiers, tu veux vraiment m'enterrer ?
Il la vouvoyait, probablement par pudeur - afin de ne pas lui causer de problème même. Mais elle ne l'entendait pas de cette oreille. Elle l'observa, trouvant son air gêné tout à fait adorable et attendrissant, un léger rire la secouant tandis qu'elle se levait doucement, jetant un regard circulaire particulièrement mesquin envers les commères toutes frénétiquement occupées à essayer d'avoir l'air en train de travailler. Satisfaite, elle hocha donc positivement du chef et se planta devant lui, attrapant son sac au passage.
- Passer ce moment ridiculement court et non rémunéré ensemble ? Avec grande joie.
Venetia se tenait à distance respectable néanmoins, ne tenant pas à propager plus de rumeurs que nécessaire, bien que son envie première eut été de lui saisir le bras sans hésiter. Après une seconde de flottement, elle tourna les talons et s'enfonça dans les couloirs du Ministère, Klaus sur ses talons, un sourire au coin des lèvres tandis qu'elle le détaillait de haut en bas.
L'Allemand afficha un air satisfait et ravi en voyant les collègues se son ami chuchoter entre elles avec des airs stupéfaits. Il avait fait impression en entrant ici, peut-être plus qu'il ne l'aurait voulu, mais c'était toujours amusant à voir, la façon dont les gens pouvaient profiter même des évènements les plus... lambda, pour radoter comme de vieilles pies. Klaus aurait peut-être voulu en rajouter un peu, tutoyant l'employée, la prenant par la hanche ou Dieu-sait-quoi, mais il se ravisa, ne voulant pas attirer trop de remarques de la part des commères de son service. Il se contenta alors de garder sa petite attitude lointaine, employant toujours le vouvoiement.
Elle se décida à partir après une petite plaisanterie. L'Allemand laissa échapper un petit rire avant de se tourner vers la sortir, s'y rendant côte à côte avec la jeune demoiselle. Alors que les amis s'en allaient, il se permit un regard derrière lui, ébauchant un sourire sur le coin de ses lèvres alors qu'il voyait déjà le travail en train de se faire, deux vieilles pies déjà penchées l'une vers l'autre échangeaient des remarques à mi-voix, tentant vainement de couvrir leur ricanement par une main devant leur bouche en les regardant s'en aller. Klaus secoua la tête, amusé, avant de retourner son regard vers Venetia, réajustant proprement sa redingote à l'aide du revers de celle-ci, hochant du chef : « Tu trouves, merci. Elle me suit depuis longtemps. » On ne l'aurait pas parié pour un sou, presque impeccable, si ce n'est à quelques endroits où des marques d'usures n'avaient pas encore été arrangées, elle semblait comme neuve, preuve soit d'une bonne capacité à mentir sur son habillage, soit d'un grand soin accordé à son allure, allez savoir.
Quant à la deuxième partie de la question, l'Allemand mis quelques secondes de pause avant d'y répondre, par un petit haussement des épaules et un sourire amusé. « Tu verras. » Bien sûr, tout était déjà prévu, tout devait déjà être prévu, c'était comme ça. L'Allemand se contenta alors d'avancer dans les longs couloirs du Ministère, se permettant une main dans le dos de la jeune femme. « Si tu avais vu comme elles étaient excitées, tes collègues, tu vas avoir des ennuis à ton retour. Et ton frère, d'ailleurs, ç'a été ? » Il laissa échapper un petit rire alors qu'ils avançaient rapidement vers la sortie. Alors qu'il observait sa jeune collègue qui lui répondait, il sentit un choc à son épaule gauche, et se retourna, y appliquant une main. Il venait d'heurter quelque chose… quelqu'un. Et pas n'importe quelle personne, Klaus déglutit en observant sa victime avant de s'en approcher un léger instant. « Mademoiselle Osbourne... Je suis navré, je ne vous avais pas vue. » L'Allemand se fondit en excuse et inquiétudes, n'en recevant que peu, avant que sa collègue ne continuât son chemin vers les bureaux, elle ne profitant semble-t-il pas de la même façon des pauses octroyées. Il resta quelques instants immobiles, l'observant partir, avant de se retourner vers Venetia, qu'il regarda un bref instant avant de reprendre un air radieux, se dirigeant vers la sortie.
Ils firent encore quelques pas avant que l'Allemand ne s'arrêtât au côté de la jeune femme. Un sourire malicieux s'afficha sur les lèvres de celui-là avant qu'il ne prononce les quelques premiers mots depuis le choc de l'entrée du Ministère. « Bon… On y va. Je te conseille de vider tes poumons, totalement. » Puis il posa la main sur l'épaule de sa collègue et ils disparurent, comme implosant en un même point dans l'espace pour sortir dans un autre. Bien souvent, lors des premiers transplanages, l'on a l'habitude de prendre une grosse inspiration du fait du changement radical de place, ou simplement à cause des effets-même du transplanage. Et prendre une inspiration alors qu'on a déjà les poumons pleins d'air, ça peut avoir des effets... voilà. Klaus se disait que provoquer un accident barotraumatique alors qu'il comptait simplement aller manger, ça pourrait ne pas provoquer les réactions qu'il attendait.
Les deux compagnons se retrouvèrent alors à quelques 170 miles à l'Ouest de leur position, sur une haute falaise de Southerndown Bay. Le vent tapait fort, Klaus n'avait pas prévu cela, mais il avait transplané heureusement non loin d'un bâtiment, perdu au milieu du sommet rocheux. L'Allemand entraîna son amie à l'intérieur, prenant alors un grand souffle chaud en pleine face avec une odeur réconfortante de bonne nourriture écossaise. L’atmosphère de la petite auberge contrastait bienheureusement avec la température extérieure et fit un bien fou à l’Allemand, le contraire aurait été étonnant. L’endroit était… british à souhait, de petites tables en bois étaient disséminées un peu partout dans une salle, posées sur un vieux carrelage alternant entre un vieux noir, un bleu et un rouge. L’Allemand affichait un air ravi face à ce lieu alors que la petite servante grassouillette s’approchait d’eux avec un sourire chaleureux.
Ce sont les enfants sages, Madame, qui font les révolutionnaires les plus terribles.
La redingote était effectivement jolie, et Venetia n'aurait pas deviné que le vêtement avait déjà plusieurs années. La qualité du tissu était impeccable, et la couleur du tissu encore éclatante. Avait-il usé de magie ? Ou était-il simplement un de ces maniaques à tout envelopper d'une housse de plastique irréprochable chez lui, même les meubles, afin de préserver leur état neuf le plus longtemps possible ? Un frisson d'horreur la traverse à cette pensée, et elle se mordit la lèvre en retenant un rire nerveux. Il se la jouait mystérieux, une flamme amusée au fond du regard, confiant de son choix, et soudain, elle se surprit à rêver, d'un grand restaurant huppé, d'une table de choix, d'un plat de qualité exceptionnelle le tout arrosé d'un vin fin et délicat et de conversations murmurées pleines d'élégance. Un retour aux temps radieux, riches et décadents qu'elle avait déjà vécu, et qu'elle voulait revivre à jamais.
Toute à ses pensées excitées, le rouge lui était monté aux joues d'anticipation, et un frisson la traversa en sentant la main de l'Oubliator venir se glisser dans son dos, la guidant dans le dédale qu'elle connaissait pourtant très bien. Elle ne répondit pas tout de suite aux remarques de Klaus, sur ses collègues et sur son frère, cherchant ses mots avant d'entamer une réponse bien ficelée.
- Ces vieilles pies et leurs ragots ne me concernent pas, elles ne m'ennuieront pas ! Quant à mon frère... Il est curieux et affreusement possessif sur ce genre de sujets. Elle rit doucement. Mais je ne peux pas lui en vouloir, on veille l'un sur l'autre, c'est naturel...
Mais Klaus ne l'écoutait plus ; et le regard de Venetia croisa celui, indifférent, d'une saisissante brune aux yeux clairs, à peine retournée le temps d'une poignée de secondes, s'étant apparemment heurtée à l'épaule masculine de l'Oubliator. Et il connaissait son nom, puisqu'il le prononça tout en se confondant en excuses de manière exagérée pour un simple incident de passage. La jeune femme fronça le nez une seconde, en pensant déceler chez lui une émotion aussitôt étouffée, un filtre indifférent s'installant devant son regard sans qu'elle ne tombe dans le panneau une seule seconde. Il y avait quelque chose là, quelque chose qu'elle ne connaissait pas chez lui - qu'elle ne pouvait pas connaître de toute façon. Un secret ? Une ombre du passé ? Elle n'en savait foutrement rien, mais son coeur s'était serré soudain dans sa poitrine, et elle ne pouvait empêcher de se voir bien jalouse de cette inconnue capable de capter son attention de la sorte, attention dont elle voulait être l'unique objet en leur temps commun. Mais voilà que Klaus l'entrainait à nouveau comme si de rien n'était, comme si l'hésitation chez lui n'avait été que due à un momentané oubli de sa personne.
Et comme elle ne se voyait pas commenter ni poser de questions, elle se contenta de le suivre, silencieuse, avant de s'arrêter là où il s'arrêta et d'hausser un sourcil. Il n'allait tout de même pas.... Oh si. Il le fit. Le transplanage d'escorte, surtout avec si peu de temps pour se préparer mentalement à l'idée, lui retourna l'estomac. Elle n'avait auparavant jamais eu l'occasion d'utiliser un tel moyen de transport, et se trouva bien pâle, le vent fouettant son visage qui baignait si tranquillement dans la chaleur du Ministère une poignée de secondes plus tôt. Elle se défit du bras de Klaus pour inspecter les alentours, une main crispée sur l'estomac, lui tournant le dos pour ne pas dévoiler son malaise qu'elle parvint à déglutir péniblement. Sans qu'elle n'ait le temps de poser la moindre question, voilà qu'il l'entrainait de nouveau, et qu'elle le suivait, bienheureuse de le voir si plein d'entrain et si excité.
La porte de l'établissement franchie, Venetia Bird eut donc tout le loisir de contempler le sol... en carrelage datant d'au moins 90 ans et pas en bien... Et les murs... de pierre... Dans cette ambiance franchement chaleureuse et ... familiale.... Qui lui tira une grimace d'horreur crispée, à la vue des tables de bois simplement dressées. Mince. L'odeur de la nourriture écossaise flotta jusqu'à ses narines, lui tirant une nouvelle expression comique, que fort heureusement Klaus ne perçut pas, occupé à faire les yeux doux à la petite grosse au service. Venetia se demanda très brièvement si elle pouvait s'enfuir, et se força à sourire d'un air encourageant à Klaus, tandis que le standing, l'atmosphère, et la décoration du lieu lui arrachaient les yeux et lui donnaient une bête envie de pleurer. Serait-elle donc condamnée aux auberges familiales jusqu'à la fin de sa vie ? Hors de question. Ce déjeuner inopiné venait de lui remettre les idées en place, et il était hors de question qu'elle s'accroche à un rêve de romance si c'était pour finir dans ce genre d'endroits.
Mais pour le bien de Klaus, parce qu'elle lui devait tout de même la politesse la plus basique, et parce qu'il l'avait aidée lors de l'anniversaire de son frère, elle se tairait, serait charmante et souriante, et déclinerait simplement ses prochaines invitations. Oh elle regretterait évidemment... Mais c'était la seule chose à faire. Elle se laissa guider jusqu'à une table, s'y installant en faisant bien attention à ne pas filer ses collants contre une écharde du bois de la chaise, lui offrant un ravissant sourire.
- Tu connais cet endroit depuis longtemps ? Une raison particulière à ce choix ?
Et elle ferait même la conversation de façon plaisante, et l'écouterait avec un sourire plaisant et toutes les meilleures manières du monde. Mais hors de question qu'on l'approche avec du haggis. Cette spécialité écossaise était au dessus de ses forces. Largement. Elle se pencha vers lui, posant un coude sur la table, tâchant d'effacer le contexte de leur discussion, ignorant totalement le manque d'élégance et d'intimité de l'endroit.
C'est après que Klaus eut échangé quelques messes basses complices avec la gérante qu'ils furent invités à aller s'installer à une place au bord de la fenêtre : une petite place un peu à l'écart du reste, mais toujours dans la simplicité qui allait en accord avec l'ambiance générale. L'Allemand vint derrière sa collègue pour lui tirer la chaise, histoire de rattraper le côté campagnard du lieu avec un peu de sa galanterie naturelle, alors qu'il fît un petit signe entendu à la gérante, avant d'aller lui-même s'asseoir. Son regard, alors qu'il ôtait sa redingote pour la poser sur son dossier, se laissa emporter par-delà la vitre. « L'auberge familiale » était à quelques vingt-trente mètres du bord de la falaise qui tombait, alors, en chute libre sur une bonne centaine de mètres, si ce n'est plus. Le ciel était blanc cassé, parsemé de tâches plus claires que d'autres d'où il serait aisé d'espérer l'apparition soudaine de points bleus. Il y avait aussi beaucoup de vent, heureusement les deux amis en étaient protégés, mais pas les hautes herbes qui se laissaient bercer d'un côté et de l'autre, tels des anémones perchées sur Grande la Barrière de Corail qui dansent langoureusement au gré des courants de l'eau qui viennent et reviennent, passent et trépassent.
L'Allemand alors s'assit face à la demoiselle, un sourire sur les lèvres, qui subsistait malgré ce qu'il voyait dans le regard face à lui. Quelque chose semblait la déranger, la contrarier, malgré ses airs de gentille heureuse grande dame. Quelques secondes durant, il pensa à ce qu'il avait bien pu faire de mal. Peut-être était-ce la rencontre inopportune avec l'ombre de son passé, maintenant il y pensait, il s'était comporté d'une façon décidément peu sympathique pour Venetia, elle devait se poser un tas de questions, auxquelles Klaus-même n'était pas vraiment sûr d'avoir réponses satisfaisantes à son goût ; ou peut-être fût-ce à cause du transplanage pas vraiment prévu par la demoiselle, il repensait maintenant à sa capacité magique qui avait l'air assez bancales les dernières fois, et là il l'avait balancé tout d'un coup, une telle brutalité pour quelqu'un de peu habitué, cela pouvait ne pas forcément faire aussi de bien qu'il ne le pensait ; il jeta un petit coup d'œil autour de lui, à la recherche d'un détail qui serait susceptible de la déranger, mais ne trouva finalement rien. Craignant de lui faire peur, il n'avait pas voulu emmener tout de suite sa collègue dans ces restaurants qu'il aimait fréquenter dans le temps, intimes et d'une douceur impalpable pour deux amis proches, ou proches amis. Non, il aurait bien voulu, mais c'était peut-être trop, l'avait-il pensé, pour ces deux jeunes gens qui n'en seraient alors qu'à leur... troisième rencontre ? Tout allait à une vitesse si intense. Perplexe, il se retourna vers Venetia avec une petite moue dérangée.
Sa question, il fallait bien s'y attendre, fit ressurgir en Klaus quelques souvenirs lointains. Il afficha un vague sourire en jetant un œil à la salle. « Je suis venu ici, il y a bien longtemps, pendant les heures sombres. Je suis venu dans le coin, j'y suis resté... un certain temps. » Un léger rire s'échappa de la bouche du Né-Moldu, qui s'apprêtait à enchaîner avant d'être finalement interrompu par la gérante qui venait à leur rencontre. Au lieu de venir prendre les commandes comme il serait usuellement attendu, celle-ci arrivait avec entre les mains un objet, emballé dans un chiffon. Tout en parlant, elle commençait à le déballer.
« Comme vous l'aviez demandée, Klaus. J'ai eu du mal à la faire arriver ici, mais au moins… Bon, je vous connais, ce n'était pas perdu. » L'Allemand hocha du chef, observant l'emballage rudimentaire, qui semblait un brin humide à en juger par les légères perles d'eaux qui étaient visibles çà et là, ainsi que les tâches mouillées sur le tissu grisonnant, mais il le, ou « la » regardait avec bonne appréhension. La gérante, laissant bien le suspense faire son boulot, finit par laisser paraître une bouteille de champagne ; certes ce n'était pas la grande qualité qu'ils avaient eu à leur première soirée, mais c'était quand même un quelque chose qu'il était difficile de trouver dans une petite auberge au fin fond de l'Ecosse. La gérante ouvrit alors la bouteille, après l'avoir présentée à l'Allemand, avec un bruit tout à fait agréable à l'écoute. Puis elle servit les deux verres, pas forcément trop accommodés par la boisson mais le fond pardonne la forme, du moins c'est que pouvait se permettre d'espérer Klaus pour sa collègue amie, ce après quoi elle se retira, posant la bouteille dans une petite bassine de glaçons non loin d'eux.
Klaus retourna les yeux vers Venetia avec un large sourire, espérant secrètement que ça saurait rattraper la faute qu'il avait commise, sans même s'en rendre compte. Puis son verre se leva un brin vers la demoiselle pour trinquer, alors qu'il reprit, penchant un brin la tête de côté, avec une voix douce : « « En toi je tomberai, végétale ambroisie, / Grain précieux jeté par l’éternel Semeur, / Pour que de notre amour naisse la poésie / Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur. » ... Cela répond à ta question ? Et bien de circonstance en plus, que demander de mieux. » Il laissa un nouveau petit rire s'échapper de sa bouche, ces quelques vers de « l'Âme du vin » lui étant alors revenu en tête, lui qui en avait profité pour apprendre quelques extraits de ce merveilleux volume, pendant ses heures perdues.
« Ne t'en fais pas, on ne va pas forcément manger un bon repas bien écossais bien gras et juteux comme ils les aiment et gâcher ainsi le champagne. (ricanements.) Quelque chose te ferait plaisir ? Sel - ... La gérante connait bien son travail, et un peu tout ce qu'on peut y faire. »
Ce sont les enfants sages, Madame, qui font les révolutionnaires les plus terribles.
La nostalgie mélancolique au fond de son regard lui avait presque fait regretter sa question. Mais obtenir des parcelles de ses souvenirs, même si peu, lui faisait intensément plaisir : elle en voulait plus. Savoir qu'il avait vécu probablement des évènements tragiques durant cette guerre qu'elle avait fui sans une once de regrets l'emplissait de malaise. Elle ne voulait pas qu'il s'imagine qu'elle le prenne en pitié : elle avait aussi la terreur qu'il pense qu'elle en ait été une victime, tandis qu'elle se la coulait douce sur des yachts en Grèce. Alors elle se taisait, l'écoutant, attendant qu'il lui offre encore quelques tranches de sa vie, privilégiée qu'elle était d'être ici et de pouvoir en apprendre plus à son sujet sans toutefois se dévoiler elle-même. Elle parvenait à faire fi de l'endroit qui la renvoyait très désagréablement aux lieux fréquentés de force durant l'enfance - seuls endroits que la famille pouvait très rarement se permettre, et qui l'écoeuraient intensément depuis lors. Alors que Klaus allait continuer de parler, de se dévoiler, pour sa plus grande joie, ils furent interrompus par ce qui semblait être la gérante de l'établissement, apportant à leur table un objet enveloppé.
Venetia arqua un sourcil, prudemment neutre, un sourire poli qui se transforma rapidement en un bien plus sincère en voyant apparaitre la bouteille de champagne sous le tissu fatigué du torchon. Elle tourna la tête vers Klaus, surprise, son visage rayonnant. Il s'était embêté jusqu'à faire commander à une aubergiste une bouteille d'un champagne de qualité tout à fait correcte, juste pour elle... Elle secoua la tête. Il était bien trop prévenant, et si elle ne le connaissait pas comme elle pensait le connaitre à présent, elle aurait même pu prendre la mouche de tant d'attentions. Cela témoignait-il d'une appréhension à ce qu'elle s'en aille sans les égards appropriés ?
- Mais enfin ! Tu n'aurais pas dû !
Il n'aurait pas dû s'y sentir obligé, surtout, mais maintenant que la bouteille était là, la jeune femme se jura de la finir jusqu'à la dernière goutte, et ne surtout pas reproduire le regrettable incident de leur rencontre. Venetia lui saisit la main et la pressa gentiment, la relâchant aussitôt pour ne pas l'embarrasser, un joli rose aux joues. Elle se saisit de son verre fraichement servi, son regard venant se plonger dans le sien tandis qu'ils trinquaient, et qu'il reprenait doucement le fil de la conversation en lui citant quelques vers. Il semblait à Venetia qu'arrêter de sourire serait impossible : son coeur s'emballait et elle se demandait de quel roman à l'eau de rose était sorti ce drôle de personnage face à elle, digne d'une romance. Elle ne pouvait y croire : elle ne pouvait se permettre d'y croire, parce qu'un tel homme n'était décidément pas destiné à finir avec une femme comme elle. Incrédule, elle se devait tout de même de répondre dignement, tandis qu'il enchainait et qu'elle restait perdue dans ses pensées.
Sa petite hésitation sur le prénom de la gérante la tira néanmoins bien brutalement de sa rêverie perdue, et elle arqua un nouveau sourcil, son air amusé ne cachant que très rapidement son agacement perceptible bien malgré elle. Elle aurait dû se douter qu'il connaissait intimement l'endroit... Mais sa jalousie était mal placée, et elle ne s'embarrasserait pas elle même de la sorte, alors elle se contenta d'un nouveau sourire.
- Je prendrai ce que tu prendras, je te fais confiance... Tu as l'air de bien connaitre l'endroit.
Elle porta la coupe à ses lèvres, son regard dérivant vers la fenêtre qui montrait le vent s'abattant sur les flots anglais avec un enthousiasme effrayant. C'était une jolie métaphore de la spirale d'émotions qui s'abattait en elle avec force à chaque fois qu'elle réfléchissait cinq secondes à la situation, et à ce qu'elle ressentait pour cet homme en face d'elle - aux antipodes de tout ce qu'elle connaissait. Il la déstabilisait un peu, elle devait se l'avouer, à faire apparaitre du champagne au milieu de nulle part, à l'emmener voir la mer pendant une pause déjeuner, et à sembler si à l'aise en toutes circonstances. Il émanait de lui une sorte de force tranquille - bien différente du premier aperçu qu'elle avait eu de lui, écroulé au Chaudron Baveur à noyer sa mélancolie dans un double calva sans glaçons. S'en souvenant, elle esquissa un sourire et se pencha vers lui.
- Tu es sûr que le champagne te va ? Il me semblait que tu étais plus porté sur le calva...
Un rire léger suivit ses paroles et elle se replongea dans la contemplation du paysage au travers de la vitre, le fracas des vagues résonnant avec les pensées tourmentées dont elle avait tant de mal à se détacher. Un poème soudain lui revint en tête, quelques vers innocents sans véritablement l'être, et le rouge aux joues, elle ne s'imagina pas un seul instant les déclamer à haute voix. Elle l'avait lu et appris un jour de romantisme particulièrement sensible, ce qui est fréquent lorsqu'on n'a pas encore vingt ans et que l'on rêve d'amours, mais qui lui revenait brutalement en tête, comme une piqure du destin. Les vers les plus marquants étaient donc... A kiss is not just a kiss / With my heart the kiss unlocked a door / I never knew was there before / Now I long for more and more / Wishing for everything to be like before / Presently my mind wanders without rest
Et elle les avait murmuré, de façon un peu absente, plongée dans sa contemplation, les mots formés par ses lèvres sans que sa voix ne les accompagne, tandis que sa main revenait chercher cette coupe de champagne qu'elle appréciait tant, en reprenant une petite gorgée, avant qu'un peu confuse, elle ne revienne à la réalité, piquant un nouveau fard et lui adressant un regard d'excuse.
- Je me suis égarée. Elle fit une petite pause, incertaine. Le champagne est délicieux. Parle moi encore de toi, s'il te plait ?
Le sourire, l'air ravi, enchanté, émerveillé que la jeune sorcière offrit à Klaus suffit à rattraper toute l'inquiétude qui s'était emparée de lui quelques instants auparavant. Il afficha un air tout aussi satisfait, pour euphémiser un tantinet son état. Il n'aurait pas dû ? Oh, intérieurement il rit. Klaus aurait donné n'importe quoi, fait n'importe quoi, afin d'arriver au même rendu. A la gérante, l'Allemand se contenta de dire « On va prendre comme d'habitude, avant, si vous voulez bien. » Et il retourna la tête vers son amie, apercevant son nouveau petit tic nerveux, caractéristique à la gente féminine quand elle rencontre un élément jugé indésirable. Klaus afficha un sourire en coin, presque heureux de provoquer chez elle une telle réaction, mais en même temps un soupçon gêné, n'ayant pas cette ambiguïté à l'esprit. Il continua alors, se voulant, en attendant la suite des événements, le plus apaisant possible, loin de souhaiter qu'on lui fasse une scène dans ce lieu qui lui était si plein de souvenirs, bons malgré tout.
« Oui, je commence à connaître l'endroit, j'y suis donc venu pendant les heures sombres, pendant la traque surtout. J'avais trouvé, à quelques centaines de mètres au nord si je ne me trompe pas, une petite grotte pour m'y réfugier quelques temps. Ce n'était pas très luxueux, très modeste... une grotte, quoi. C'était au tout début de la période, j'étais encore... Enfin, on ne mesurait pas encore jusqu'où les choses iraient, j'avais cherché à partir le plus loin possible de ma famille, de mon passé, pour leur éviter tout problème... » L'Allemand n'était pas triste, pas tout à fait, c'est-à-dire qu'il n'était pas sur le point de s'effondrer dans un coin, mais il ressentait une étrange nostalgie face à ce temps des plus noirs et pourtant, prolifique à souhait en souvenir. « Et puis... peu après, je me suis fait repérer, je n'étais pas bien malin pour ce genre de choses, avant. S'il y a bien une chose de bon à cette Guerre, c'est qu'elle nous a tous endurci, elle nous a changé, en mieux... Enfin. (il secoua la tête, pour se sortir ces idées singulières de la tête.) Quoiqu'il en soit on m'a trouvé, Selen' m'a trouvé. Elle m'a amené ici… C'était... »
Un doux rire s'échappa du fond de la gorge de l'Allemand, dont les yeux se trouvaient arpenter la salle avec ce même regard, ces mêmes yeux, cette même boule dans l'estomac. Le carrelage s'éclaircissait, les gens peu à peu disparaissaient, sauf Venetia, qui reste encore là, à la place, il y avait des ombres... de doux personnages des temps passés, l'animation était présente, ça riait, ça chantait, ça trinquait. Les foules étaient mouvantes et... on n'aurait pas cru que ce fut pendant une période aussi sombre que celle qui était en train de se passer, autour d'eux. L'Allemand, à l'allure d'alors presque pimpante, était dans un coin, au comptoir, un verre à la main, en train de discuter, simplement, avec un vieux bourru, observant toute la mouvance autour de lui, autour d'eux.
Puis tout s'effaça, les choses s'éclaircirent à nouveau, reprenant des couleurs sur l'atmosphère, perdant des couleurs sur le carrelage. L'Allemand, quelques petites secondes après la fin de son pseudo récit tourna les yeux vers Venetia, reprenant alors une lointaine question pour en éviter d'autres. « Et le champagne, ça peut faire l'affaire, de temps en temps. C'est pas comme le calva. Le calva c'est... c'est festival. Le champagne, c'est célébrant. » Klaus afficha un sourire en coin, célébrant, oui. Il frottait doucement le pied du verre, faisant lentement tournoyer le liquide à bulle dans la coupe avec un sourire amusé. « C'est... quoi, la troisième fois qu'on se retrouve ? Et en même temps, je crois la première fois que je reviens ici. Toutes les raisons sont bonnes à prendre, comme on dit, non ? ». Il avait appris à apprécier le champagne dès sa jeunesse auprès de ses parents, entre deux temps passés à Poudlard, ou dans cette école spécialisée, comme on l'appelait là-bas.
Klaus pencha la tête de côté, prit une petite gorgée de son champagne, laissant le liquide voguer à son gré dans la gorge réchauffée de l'Allemand, qui mit peu de temps à reprendre. « Mais assez parlé de moi. On parle beaucoup de moi. On parle trop de moi et pas assez de toi. » Un large sourire se marqua sur son visage, alors que sa tête se penchait sur le côté, ses yeux se plongeant tout à fait dans ceux de sa charmante compagne avec ce regard qui veut tout dire, dont « Raconte-moi quelque chose, n'importe quoi, je me noirai dans ta prose et ça fera ma joie. »