No rest for the haunted

Vanioush ft. Averroes

Le corps engourdi par une nuit trop courte, Vanioush se chaussa machinalement pieds nus de ses grandes bottes noires. Sans rien lacer, la longue silhouette androgyne se redressa, les pieds glissant dans le cuir sombre par trop de liberté. Se chausser au saut du lit était une vieille habitude prise lors de son long séjour près du lac Baïkal. Il y faisait si froid que ses chaussures près du fourneau étaient en ce temps là, sa seule source de réconfort. Certains automatismes ne l'avaient plus jamais quitté depuis lors et il faut dire qu'avoir de telles habitudes lui donnaient des repères. Avoir des repères était devenu primordial récemment...
Humant l'air humide du vieux château de Poudlard, notre voyant n'avait pas besoin de vérifier l'heure sur sa montre en relief. Ça sentait l'aube. Il s’enroba de son grand châle aux motifs inuits pour calmer la chair de poule qui lui mouchetait subitement la peau. Puis, caressant la fourrure tiède de Grishka qui reposait non loin de lui c'est à tâtons qu'il chercha sa canne blanche. Ce n'était pas la première fois qu'elle glissait de l'endroit où il l'avait laissé la veille. Peeves lui jouait-il de mauvais tours ? Secouant sa crinière sombre pour se débarrasser de son accusation gratuite, il trouva enfin l'objet de sa recherche. Il frappa les dalles froides de sa chambre plusieurs fois, un peu comme s'il testait l'acoustique. Cette journée de septembre promettait de belles choses. Son don de double vue lui avait donné rendez-vous dans ses songes. Sans qu'il ne sache exactement pourquoi, son intuition le poussait à s'extirper de sa léthargie immédiatement pour arpenter le grand parc. Grishka tendait l'oreille et elle comprit bientôt que son maître avait l'intention incongrue de sortir. Ce n'était pas dans ses habitudes de prendre l'air si tôt et elle ne se garda pas de lui rappeler par de nombreux bâillements bruyants.
Après avoir étiré ses longues pattes paresseuses la louve se tenait prête. Une ballade surprise au beau milieu de la nuit ? Pourquoi pas finalement. Elle rattraperait le sommeil qui lui manquait en classe. Les nombreux personnages des tableaux ronflaient paisiblement, cette chanson de soupirs et reniflements accompagna la progression de notre sorcier dans les étages. Tapant sa canne au rythme de son pas allègre. Affronter les escaliers capricieux de Poudlard n’était pas une mince affaire lorsqu’on y voyait alors imaginez un peu lorsqu’on y voyait rien… Il s’agissait chaque jour de ne pas tomber dans un piège espiègle.

Une fois dehors, la fraicheur de cette fin d’été le saisit. L’hiver promettait d’être glacial, analysa t-il en soufflant dans le creux de ses mains jointes, sa canne blanche calée contre son torse. Il faisait encore nuit et la lune presque ronde avait l’éclat du mercure qui annonçait bientôt le lever du jour. La rosée qui restait invisible en attendant sagement les premiers rayons du soleil mouillait notre sorcier jusqu’aux chevilles. Il y avait bien longtemps que Vanioush ne s’était pas retrouvé au beau milieu d'une atmosphère si paisible. Il arpenta le parc quelques minutes, accompagné de sa louve enthousiaste. Si enthousiaste qu’elle devança son maître d’une bonne distance sur le chemin du retour. Il était étrange de n’avoir croisé personne… Avait-il mal interprété les symbols de sa vision vaporeuse ? Peut-être qu’alors, ses songes l’avaient poussé à venir ici pour rencontrer le calme qui lui manquait tant. La vie si bruyante du château sans pour autant lui déplaire était loin de le satisfaire totalement. Avec les années, il se surprenait à apprécier de plus en plus sa tranquillité. Peut-être avait-il développé un côté ermite depuis la Sibérie ? Les sorciers changent avec le temps, Vanioush se faisait peut-être vieux avant l’heure… En pleine méditation, notre sorcier crut entendre au loin le son d'une voix familière.

Lumos

Le faisceau de lumière d'Averroes sculpta les contours d'une forme. Une forme lupoïde qui déchira soudainement l'obscurité d'un pas leste et confiant. L'animal planta son regard dans celui du médicomage, s'immobilisant dans sa promenade pour observer cet intrus. Non loin de ce loup, Vanioush avançait dans l'herbe fraîche. Un fin sourire provoquait une petite ridule au coin de ses lèvres.

Quelqu'un ?

S’il ne pouvait le voir, Vanioush reconnut immédiatement la voix de son collègue Averroes. Le trouver ici à une telle heure ne relevait pas de la coïncidence. Il y avait un sens à cela, et même si notre voyant n’en comprenait pas encore la raison, il sentait qu’il se trouvait au bon endroit, au bon moment.

« - Ce n’est que moi »  Dit-il avec chaleur alors qu’il s’arrêtait dans sa marche comme l’avait fait sa chienne quelques secondes auparavant. Il posa tranquillement ses deux mains sur le pommeau argenté de sa canne. « - Grishka au pied. » L’animal obéit à cet ordre en lâchant enfin Averroes des yeux. «  - Il fait bon, n’est-ce pas ? » Lança t-il amusé alors que son sourire s’élargissait. Non, il ne faisait pas bon, on se gelait la carcasse actuellement ! Et même s’il en avait vu d’autres en europe de l’Est, n’être vêtu que d’un gigantesque châle et de bottes noires ne l’aidait pas à trouver le temps clément.

«  - Tu trouves ce que tu cherches ? » Se hasarda t-il à dire après quelques secondes d'hésitation sans vraiment savoir pourquoi. Ses yeux étaient clos. Il concentrait son attention toute entière aux sons. Il s'agissait de savoir si son collègue était seul ou accompagné. Mais son intuition lui disait qu'il n'y avait qu'eux lors de cette rencontre matinale "inattendue".

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