La journée était fraîche et un vent glacial battait Pré-au-Lard depuis une heure environ. Aedan s'était proposé pour accompagner les élèves lors d'une visite du village et en avait profité pour donner rendez-vous à une ancienne connaissance, Beltane Shacklebolt. Il avait un jour fait sa connaissance à Poudlard alors que préfet, il lui indiquait le chemin vers une salle de classe. Elle, première année verte et lui, cinquième année à Serdaigle. Elle avait ensuite été chassée de sa mémoire jusqu'au jour où il l'avait croisée au Ministère. Leurs chemins s'étaient alors inévitablement croisés. Les couloirs du ministère, puis les couloirs de Poudlard où elle avait enseigné pendant une paire d'années. Ils avaient noué un lien professionnel uniquement, cordial et respectueux mais ne savaient réellement rien l'un de l'autre. Il avait entendu des rumeurs concernant ses périodes d'absence à l'école mais n'en avait pas tenu rigueur, conscient que tout le monde pouvait avoir un problème et être néanmoins parfaitement adapté socialement. Elle avait de toutes façons était une collègue douce et respectée.
Alors que la Guerre contre les Chasseurs de sorciers prenait de l'ampleur, il avait réfléchi aux personnes en mesure de le rejoindre dans ce combat et avait pensé à elle. De toutes façons, cela valait au moins le coup de demander.
Il lui avait envoyé un hibou pour l'informer qu'il désirait la voir et que leur entretien aurait pour objet la situation mondiale actuelle, sans douter qu'elle saurait de quoi il parlait. Il avait enfilé un manteau bleu nuit qu'il affectionnait particulièrement par dessus ses habits moldus et s'était empressé de rejoindre les Trois Balais. A son entrée, de nombreuses mains d'élèves se hâtèrent de cacher des choppes sous la table mais il se contenta de leur faire un clin d'oeil. "Buvez, buvez, mais ne comptez pas sur moi pour vous administrer un antidote anti-cuite!".
Il se ficha près de la fenêtre dans un coin de la pièce, face à l'entrée et attendit. Il passa commande de deux bièraubeurre et tripota distraitement la fiole de Veritaserum dans sa manche. Il devrait, sans aucune doute la lui faire boire pour lui poser quelques questions, mais avant cela il comptait lui parler de son entreprise. Il était venu là pour la recruter, pas l'inverse et ne pouvait rien exiger d'elle. Il espérait cependant ne pas s'être trompé sur la personne et qu'elle répondrait positivement à sa demande.
La demie sonna à la grande horloge des Trois Balais et la porte s'ouvrit sur Beltane. Il lui adressa un sourire et attendit qu'elle s'approche.
Revenir à Pré-Au-Lard donnait l’étrange sensation à Beltane d’avoir utilisé un Retourneur de Temps. D’être revenue à l’époque de ses sorties en tant qu’élève, à ses heures de détente en tant que Maître Alchimiste. Le village n’avait que peu changé depuis. Le fidèle Three Broomsticks était encore là où il avait toujours été, avant même la Grande Guerre, d’après les rumeurs.
Mais malheureusement, la guerre était revenue. Comme si le monde sorcier avait re-basculé dans sa propre histoire, les sorciers étaient de nouveau sous la menace des moldus. Des sorciers avaient été capturés et jugés. De nombreux autres disparaissaient tout simplement du jour au lendemain… L’idée même glaçait le sang de Beltane dans ses veines, malgré la douceur des rayons du soleil de Mai. Si les moldus traitaient ainsi ses camarades sorciers, que seraient-ils capables de faire à une sorcière lycante ?
Le village sorcier était devenu un asile recherché dans la population sorcière, loin de tout Moldus, de tout chasseur. C’était sans doute la raison pour laquelle le Pr. Bridewell l’avait choisi comme lieu de rendez-vous. Beltane avait discuté avec son père, mais ni l’un ni l’autre n’était parvenu pourquoi il avait souhaité la rencontrer elle. Etait-ce un nouveau cours qui s’ouvrait à l’université ? Mais cela ne changeait rien au fait qu’elle n’avait toujours plus le droit d’y enseigner… Souhaitait-il l’inciter à faire des recherches sur un sujet particulier ? Mais pourquoi ne se serait-il pas tourné vers un sorcier avec plus de ressources ? En fin de compte, les journées de Beltane étaient devenues si désespérément mornes, dénuées aussi bien de sens que de lendemain, que la sorcière avait immédiatement su qu’elle se rendrait quoiqu’il arrive au lieu et à l’heure mentionnés.
En poussant la porte des Trois Balais, Beltane reconnu immédiatement l’ambiance chaleureuse de l’établissement. Quelques anciens élèves la reconnurent également et lui adressèrent de radieux sourire, mais Beltane ne parvint à y répondre que faiblement. Repenser à ses heures heureuses était encore une plaie douloureuse. Finalement, elle repéra le visage du Pr. Bridewell assis à une table à côté d’une fenêtre, sur laquelle se trouvait déjà deux bièraubeurres.
« Bonjour Professeur » le salua-t-elle poliment, mais parvenant pour la première fois depuis longtemps à sourire avec sincérité. Revoir le visage d’une ancienne bonne connaissance était toujours une joie pour la sorcière. « Comment allez-vous ? Et comment vont les choses à Poudlard ? » Elle espérait que l’école de magie était toujours un îlot de sécurité isolé des menaces du monde extérieur.
« Bonjour Professeur! Comment allez-vous ? Et comment vont les choses à Poudlard ? »
Elle lui adressait un sourire si doux qu'Aedan se félicita de l'avoir contactée. Leur entrevue ne mènerait peut-être à rien, du côté de la Résistance, mais il passerait tout de même un bon après-midi à ses côtés ! Il s'apprêtait à répondre d'un ton enjoué que oui, tout se passait bien à Poudlard. Sauf certains élèves qui peuvent parfois être si... Enfin, si... Mais bon, ça passe quand même. Mais son regard s'était arrêté sur le cercle sombre sous les yeux de Beltane, ainsi que l'os du poignet saillant, et les pommettes amaigries.
- Beltane, vous portez vous bien? Vous me paraissez bien fatiguée...Tenez, prenez une bièraubeurre pour vous réchauffer, puis vous me raconterez comment est votre vie en ce moment.
Il n'étais certainement pas agréable de se sentir questionnée de la sorte, et Aedan avait lu quelque part qu'il ne fallait pas poser de question à une dame sur son poids. De plus, il avait enchaîné ses phrases, gêné d'être pris pour quelqu'un d'un peu trop bavard. C'était la première fois qu'il devait amener le sujet de la Résistance au tapie avec une personne qu'il connaissait comme elle; assez peu pour ne pas avoir peur de perdre une amitié mais trop peur pour pouvoir parler librement. Il ne savait comment l'aborder, surtout que s'il avait l'impression d'avoir un bon feeling la concernant, il n'en était pas moins que sa baguette était dans sa manche, prête à lancer un sortilège d'Amnésie s'il le fallait. Bref, c'était la merde.