La journée avait été un calvaire sans nom. Très tôt le services avait été rempli par le bureau des admissions peu désireux de se renseigner sur la charge de travail honteuse qu'il n'avait pas su répartir sur plusieurs jours. Tous les soignants s'étaient relayés afin de permettre une prise en charge efficace, et alors qu'ils finissaient tout juste de mettre à jour les divers dossiers administratifs, ils s'étaient aperçus que l'heure de la débauche était dépassée depuis bien longtemps. Sienna avait attendu d'être sûre que tout était terminé avant de raccrocher sa robe verte au vestiaire et de transplaner. Elle était arrivée dans une arrière cour proche du numéro 12 où elle vivait. La rue des Plantes, proche du Flower Market était encore pleine de vie et le bruit de la ville résonnait dans ses oreilles. La journée était belle et certains passants profitaient des derniers rayons du jour.
Sienna traînait les pieds également, mais dans sa tête, aucune pensée ne considérait la météo clémente. A part un orage, peut-être, si la comparaison était permise, et il ne jetait des éclairs que sur son couple. Trevelyan et elle entamaient leur quatrième année, et si elle avait naïvement cru à cause de ses collègues avoir passé un cap important l'année dernière, elle comprenait amèrement que c'était une erreur. "L'amour dure 3 ans Sienna, si vous dépassez ça, ça sera pour toute la vie." Non, c'était faux. Car les disputes si rares les premières années de leur histoire étaient maintenant quasi quotidienne et si elle avait évoqué délicatement à plusieurs reprises le fait de vivre ensemble, Trevelyan n'avait jamais relancé le sujet, n'avait même pas fait mine de s'en rappeler ou d'avoir l'air vaguement intéressé. Elle grimpa les escaliers quatre à quatre jusqu'au sixième étage et entra dans son appartement. Il avait la clé mais n'était pas rentré. Encore une mission, probablement. Elle rigola nerveusement.
Si elle savait qu'elle était éperdument amoureuse de lui, elle voyait bien qu'aujourd'hui ses propres attentes n'était plus les mêmes qu'auparavant. Elle désirait plus d'intimité, une vie de couple réelle, pas quelques nuits volées par-ci, par-là. Elle voulait se marier un jour, qu'il soit ébloui par sa robe et sa beauté. Elle voulait qu'il lui susurre qu'il l'aimait lors d'un voyage de noce à l'autre bout du monde. Ou à l'autre bout de la rue. Peu importe. Elle voulait un enfant avec lui. Le regarder s'éveiller, les contempler et se sentir absolument et parfaitement heureuse. Elle prit une bière au frais et sortit sur son petit balcon pour s'allumer une clope sur laquelle elle tira fébrilement.
La fumée se distillant dans ses poumons calma brièvement la crise d'angoisse qui menaçait de la submergeait à l'idée que tout ce qu'elle voulait, tout ce dont elle avait besoin ne se réaliserait peut-être pas. Parce que Sienna l'avait décidé: ce soir serait le soir des décisions et de la discussion. Il n'était pas question de continuer plus avant dans cette ambiance, avec des attentes non avouées. Non verbalisées, par crainte d'être rejetées.. La lumière commença à faiblir et, attrapant un plaid dans lequel elle s'enroula, elle déposa sur la table présente sur son balcon une dizaine de bougies dégageant une douce odeur vanillée. Elle s'alluma une autre clope qu'elle prit le temps de savourer cette fois-là.
Son cœur battait plus rapidement que lorsqu'elle était rentrée, conscient que l'heure où Trevelyan allait pousser la porte approchait. Elle se demandait s'il se doutait de la discussion qu'ils allaient avoir, elle ne savait pas s'il voyait la situation aussi sombre qu'elle la pensait. Elle ne savait même pas ce qu'il allait répondre à toutes ses attentes et cela la terrifiait. Après 4 ans, elle était encore si pleine de peurs et d'incertitudes qu'elle se demandait si elle connaissait bien celui qu'elle aimait. Alors qu'elle allumait une troisième cigarette, elle entendit la clé tourner dans la serrure et quelqu'un entrer.
- Je suis ici, répondit-elle à la question qu'il lui avait posée, tout en essuyant rageusement la larme solitaire qui avait commis l'outrecuidance de dévaler la pente de sa joue sans autorisation.
La journée avait été un calvaire sans nom. Mais ce n'était rien en comparaison de ce qui l'attendait...
(c) sweet.lips
Trevelyan Valentine
Ministère
Messages : 156
Points RP : 2820
Localisation : A la chasse aux Mangemorts, quelque part en Grande-Bretagne
Emploi/loisirs : Auror
Parchemin d'identité Âge: 38 ans Crédits : Statut: Sang mêlé
Londres n'entendit rien du transplanage qui ricocha sèchement dans l'arrière-cour. Mussée à l'abri des regards les plus indésirables, elle calfeutra l'écho des bottes qui heurtèrent le pavé quelque part entre sa quiétude et les rumeurs lointaines, rieuses, dont la tiédeur d'été faisait bruisser la capitale. Des rires fusèrent d'une fenêtre entrouverte, d'où s'évada le cliquetis cristallin de verres s'entrechoquant à la santé d'une cause dont Trevelyan ne désirait rien connaître. Il avait eu sa dose des autres pour la journée - peut-être même pour le restant de la semaine, et n'aspirait qu'au calme de l'appartement de Sienna.
Par un dédale enchevêtré de rues qu'il emprunta sans y songer, laissant à l'habitude le soin de guider ses pas, l'Auror émergea finalement à la lisière d'une rue des Plantes dévorée d'un soleil en filigrane. Parmi les pas traînards des passants paresseux, les siens percutaient par contraste, effrénés, empressés, brisant la nonchalance de déambulations lambines qu'il contournait impatiemment. La réunion qui l'avait retenu au Bureau s'était éternisée durant des heures, décortiquant avec une hypocrisie crasse chacune des inspections minables dont le Ministère comptait affaiblir l'Allée des Embrumes - mais dégager tout ce bordel manu militari ne semblait effleurer l'esprit de personne. On lui avait suffisamment suggéré de fermer sa gueule pour qu'il l'ait intégré, mais l'envie de leur cracher sa façon de penser restait bien là, coincée en gorge, comme une boule de rancœur qu'aucun sermon de Selwyn ou compassion de Tara n'amoindrirait jamais. Il n'y aurait qu'une cigarette pour l'amoindrir et l'embrumer de flou, le temps de quelques heures.
Et si les âcres fumerolles pouvaient griser jusqu'aux tensions trop sombres qui tanguaient d'incompréhension le fil sur lequel Sienna et lui progressaient en funambules, il ne demandait rien de plus. Trop de fois déjà s'étaient dérobées sous leurs pieds des bases qu'ils avaient cru solides, qu'ils avaient cru communes, et à ne se raccrocher trop de soirs qu'à une cigarette partagée leur équilibre était à deux doigts de les envoyer se faire voir. Parce qu'il n'en disait rien n'amoindrissait pas la conscience qu'il avait de leurs divergences - et n'ôtait rien au fait qu'il n'avait en sa possession pas le moindre mot qui puisse les réduire au silence. Il avait pourtant en horreur l'ombre orageuse qu'il provoquait chez elle bien plus que des sourires, mais rien de ce qu'elle voulait entendre, semblait attendre, ne le résignait à berner de mensonges une bouche qu'il gardait envers elle aussi franche qu'avec tous les autres.
Leur quotidien manquait de ces fous rires qu'il suscitait à trop exagérer le récit de ses journées au Bureau des Aurors - de ces fous rire qui coupaient le souffle, faisaient mal aux joues, brisaient le ventre, rendaient les voisins dingues. De ceux qui dessinaient, là au creux de sa joue, la fossette qu'il avait gardée en tête des heures le soir où elle avait croisé son chemin, souriant comme le dernier des imbéciles. Leur vie se saturait d'absences et de chassés-croisés trop hasardeux que Sienna ne supportait plus - et de services en missions, d'urgences en réunions, aucun d'entre eux ne pouvait remédier au temps qui leur glissait entre les doigts. Pourtant les heures filaient, leurs échappaient, des jours, des semaines entières à ne rejoindre les draps de Sienna que quand sonnaient trois heures au petit matin, à la sentir s'en échapper pour prendre son service deux heures plus tard - et ne garder pour trace de sa chaleur que le creux de l'oreiller baigné du parfum de ses cheveux.
La silhouette étagée du 12 se profila soudain, projetant son ombre sur le cuir attiédi d'été de sa veste noire. Trevelyan balaya d'un oeil indifférent les reflets métalliques de la plaque indiquant le numéro de l'immeuble, car ignorant encore qu'il en franchissait les vantaux pour la toute dernière fois. L'irritation qui l'avait saisi au Bureau s'était muée en vague tension latente qui inquiétait jusqu'au bleu acier de ses yeux, tandis qu'il gravissait tous les étages au son bruissant du trousseau de clés qu'il balançait du bout des doigts. Déverrouillant la porte, il déposa la clé qu'il ne reprendrait jamais sur le meuble d'entrée et laissa le battant refermer dans son dos tout le reste d'un monde auquel il n'avait plus envie de penser.
"Sienna ?"
Sa voix fugua depuis le balcon, et tout en attrapant une bière dont il savoura la fraîcheur au creux de sa main, Trevelyan la suivit comme un marin lassé à l'appel du rivage. Glissant toute la hauteur de sa silhouette dans l’entrebâillement de la fenêtre, il captura en un battement de coeur la lueur assombrie du regard qu'elle ne lui lança pas, le plaid dont elle s'était emmitouflée comme pour s'en construire un rempart. Un dernier rayon de soleil dora ses cheveux. Sans piper mot, il s'échoua sur le siège juste à côté d'elle en défaisant le bracelet d'une montre qui leur comptait toujours un temps trop court, abandonnant jusqu'à l'immuable mitaine de cuir qui dévorait sa main. Il l'étira en dépliant les doigts, savourant la sensation trop rare de l'air frais sur sa peau tandis qu'il délaissait sa place et s'assit, finalement, sur un rebord de la table basse dont il avait écarté les bougies.
Sans hésiter, sa main durement striée de cicatrices intercepta la cigarette qu'elle allait porter à sa bouche, tandis qu'il cueillait de l'autre la peau douce de sa joue et de ses lèvres un baiser.
"Dis-moi" dit-il seulement d'une voix basse.
L'incitant gentiment à relever le menton pour mieux croiser son regard, Trevelyan laissa glisser ses doigts de son visage et tira une bouffée de la cigarette qu'il avait empruntée. Il y eut quelque chose de fébrile dans la façon dont s'exhalèrent les spirales évanescentes, tandis qu'il s'efforçait de ne pas prendre pour une gifle ce qu'il avait cru voir transparaître dans les yeux de Sienna.
Dernière édition par Trevelyan Valentine le Mar 23 Nov - 12:20, édité 2 fois
Alors que la chamade que battait son coeur et qu'elle ne parvenait pas à calmer atteignait un rythme douloureux, il finit par la rejoindre sur le balcon, se débarrassant de sa montre mais conservant sur le dos cette veste de cuir qui le quittait rarement et qui lui allait si bien. Un jour, ils étaient partis se balader à Camden et dans un magasin proposant tous types d'habits de cuir, jusqu'à la plus surprenante et très courte robe, elle avait essayé une veste du même genre. Beaucoup trop grande pour elle, ils avaient alors rigolé de leur ressemblance momentanée et elle avait essayé d'imiter dans le magasin sa démarche, défilant devant les touristes amusés, ne parvenant qu'à le caricaturer grossièrement. Il avait fini par la prendre tout contre lui et glissant ses bras sous sa veste à lui, elle avait oublié jusqu'au lieu où ils se trouvaient.
Il lui déroba habillement la cigarette qui manquait s'échapper de ses doigts tremblants tant elle avait décollé loin de leur balcon et alors qu'elle évitait son regard, se demandant ce qui pouvait être réparé d'Eux, il brisa sa réflexion:
"Dis-moi."
Sa voix était basse, grave, porteuse d'un terrible constant; il savait aussi. Il savait que ça n'allait pas, ou plus, il n'ignorait rien des tourments qu'elle endurait et peut-être essayait-il lui-même d'en renverser certains. Il savait que la soirée serait décisive et, alors qu'il relevait son visage vers lui, déclenchant la même décharge d'énergie qu'habituellement en elle au contact de sa peau, elle croisa son regard et lut une incertitude qu'elle ne lui connaissait pas. Alors, elle n'avait pas tout inventé, il n'allait pas la rassurer en lui disant que si, je viens vivre avec toi Sienna, rien ne pourra plus nous séparer. J'arrête, je vais trouver un boulot moins dangereux. Je veux cette putain de vie à Nous, et rien ni personne ne nous empêchera de l'avoir. Déchirure. Éclat glacial de cet espoir né et déjà enterré. Pouvait-elle encore se permettre d'y croire? Elle prit une profonde inspiration, consciente que le scénario et les répliques qu'elle avait répété dans son esprit pendant les longues heures où elle l'attendait ne parviendraient pas à sortir comme prévu. Elle se supplia un bref instant pour que la voix qui lancerait la discussion soit forte, ou tout du moins ferme. Elle ne parvint qu'à laisser échapper des chuchotements.
"Où allons-nous Trevelyan? Attend, attend laisse moi parler. Ou je vais pas y arriver. (Silence). Ca fait quatre ans. Quatre ans qu'on est bien ensemble. Quatre ans que je supporte tes missions et toi mes urgences à l'hôpital. Qu'on passe quelques heures, au mieux, ensemble quand on peut. Est-ce que ça te convient comme ça? Tu es heureux ? Parce que... (Silence) Parce que, moi, je ne parviens plus à l'être. J'ai besoin de plus..."
Elle se détestait d'avoir entendu sa voix si vacillante et suppliante à la fin. Le battement furieux dans sa poitrine reprit de plus belle. Elle avait marqué le premier point, la balle était entre ses mains. Elle retint son souffle, s'imaginant probablement que tout dépendrait de sa réponse, sans savoir que leur destin s'était scellé au moment même où elle s'était mise à l'attendre sur ce balcon, alors qu'il était encore à sa réunion, si loin de tout ça. Sans savoir que sa réponse, ses réponses ne changeraient rien et qu'ils marchaient lentement vers leur séparation.
Elle le dévisagea et là, alors qu'il cherchait sa réponse, alors qu'elle ne savait pas quoi de l'incertitude ou du dépit l'emportait sur son visage, elle le trouva plus beau que jamais, plus désirable qu'il ne l'avait jamais été, et elle se mit un instant à souhaiter n'avoir pas posé ses questions. Elle souhaitait que cela s'arrête maintenant, qu'elle ait su se contenter de ce qu'il avait à lui offrir et revenir à la veille au soir, quand il l'avait rejoint au lit et qu'elle avait posé sa tête sur son torse frais, pas encore réchauffé par les draps. Elle hésite à se lever pour lui dire d'oublier, mais la blessure qu'elle ressentait là, directement à l'intérieur d'elle la retint assise comme si elle avait été attachée à sa chaise.
Trevelyan Valentine
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Il s'écoula l'éternité d'une seconde en suspens dans la fumée de leur cigarette. Elle tournoya, lente et pesante, en tourbillons aussi gris que la cendre qu'il lui semblait sentir en bouche. Déjà le goût des lèvres de Sienna s'estompait sur les siennes, à la faveur plus âcre de l'amertume qu'ils partageaient à bout de clopes, à bout de leur histoire. Une perle d'eau en dévalant la bière qu'il n'ouvrirait jamais embua le cadran de sa montre, dont Trevelyan n'entendait plus tiquer l'inéluctable compte à rebours. Tout ce qu'il entendait se résumait à la profonde inspiration hachée qu'elle prit, comme pour donner un peu de répit au souffle saccadé qui brisait sa voix en murmures. Il l'avait vue quatre ans durant rageuse de déception, accablée de fatigue, mais rien ne lui avait jamais autant tabassé les côtes que la détresse qui écorchait à nu le bleu doux de ses yeux, qu'elle accrochait aux siens dans le silence d'une supplique insoutenable. Pourtant il ne la brusqua pas, ne lui arracha rien de ces mots qu'elle cherchait autant que sa propre respiration, la couvant d'un regard dont elle avait été la seule à posséder l'amour.
Chaque plus petite once de son corps luttait contre l'instinct terrible qui lui fouaillait le ventre, refusant d'accepter que la seconde s'écoulerait - et que cet instant qu'il voulait pourtant abréger pour ne plus avoir à le subir, donnerait naissance à ce qui ne pourrait jamais être oublié.
Les méandres argentés de leur cigarette finirent de s'évanouir.
"Où allons-nous Trevelyan ?"
Trevelyan brûlait de l'envie de lui dire, de tenir comme un trésor l'ovale triste de son visage entre ses mains jusqu'à ce qu'elle sache que c'était elle ou que ce serait rien. Il n'y avait qu'avec elle que ses remparts s'abaissaient, seulement pour elle qu'il les démolissait. Jamais il n'arriverait à dire en mots ce qu'il ressentait, mais elle était l'unique pour qui il essaierait.
" Je...
Je vais où tu vas J'en ai rien à foutre où on va, tant que j'y vais avec toi. C'est pas là où on va qui compte, c'est ce qu'on vit en attendant, Sienna. Et je veux le vivre avec toi. J'en veux chaque minute de chaque heure, chacun de tes battements de coeur, ton parfum dans ma veste, ta peau brûlante au secret des nuits quand tu fumes nue nos cigarettes.. J'en veux tes rires et toutes les fois où tu me diras de fermer ma gueule. Tout ça je le veux, qu'avec toi seule.
Il entrouvrit les lèvres...
- Attends, attends laisse moi parler. Ou je vais pas y arriver."
Et les referma aussi sec.
"Ca fait quatre ans. Quatre ans qu'on est bien ensemble. Quatre ans que je supporte tes missions et toi mes urgences à l'hôpital. Qu'on passe quelques heures, au mieux, ensemble quand on peut. Est-ce que ça te convient comme ça? Tu es heureux ? Parce que... Parce que, moi, je ne parviens plus à l'être. J'ai besoin de plus..."
Quelque part loin dans Londres, des aiguilles anonymes tintèrent la demie d'une heure dont il n'avait aucune idée. Elles sonnèrent comme un glas, et tout autour l'implacable pénombre d'une trop longue nuit commença de les grignoter. Il passa une main frémissante, un peu hagarde, dans la barbe de quelques jours qui lui mangeait mâchoire et joues.
"Je sais."
Il secoua la tête de gauche à droite, comme refusant d'admettre qu'elle n'était pas heureuse, pas comme ça, pas maintenant. Pas avec lui.
"Je sais..."
Ses mains désertèrent à tâtons la rugosité du menton pour recouvrir son visage tout entier, qu'il voila à Sienna le temps d'enfouir au creux de ses paumes la vérité qu'il voyait se profiler sans se résigner à vouloir la regarder en face. Pourtant elle était là, cruelle et affûtée comme l'est toujours la plus aiguë des honnêtetés, et Trevelyan qui la jetait toujours sans pitié au visage d'inconnus peinait à se relever du coup qu'elle venait de leur porter, et qu'il allait achever de leur porter lui-même. Il embrassa d'un regard douloureux le corps qu'il brûlait tout entier de serrer contre lui jusqu'à ce que la puissance de son étreinte détruise la distance qui les séparait.
"Je serai jamais heureux de te voir comme ça" chuchota-t-il en prenant au creux de ses mains fébriles celles dont elle resserrait son plaid contre elle, dans une toute ultime tentative de l'écarter. "Mais je le suis avec toi. Je le suis chaque fois qu'on se voit et je.."
C'était tout ce qu'il arrivait à sortir, sale con qu'il était, pas même foutu de coller des mots sur ce qu'il sentait pulser depuis ses veines jusqu'au cœur qu'il sentait se démener comme un damné, cognant là dans son torse. Trevelyan avait de tous temps élu la vérité pour reine, mais à présent qu'il devait la jeter aux pieds de la sienne, aux pieds de Sienna, il détestait d'avance ce qu'il allait dire. Les cicatrices affreuses qui défiguraient cruellement sa main ne serait que de pâles égratignures face à ce qu'il allait dire.
"Sienna, ça ne s'arrangerait même pas si on vivait ensemble", dit-il du ton le plus doux qu'il put, incapable de lui faire l'injure d'ignorer ce qu'elle sous-entendait. "Tant que je bosse au Bureau et toi à l'hosto, ces heures ensemble, c'est le mieux qu'on puisse avoir. Ca changerait rien que tu vives chez moi ou moi chez toi, à part rendre encore pire toutes celles qu'on passe ailleurs."
Dans un éclair de compréhension fulgurante, mutuelle, il lut dans le moindre éclat de ses yeux l'inconsolable envie de n'avoir rien dit, d'effacer toutes les salissures du quotidien sous l'eau brûlante d'une douche à deux, où les douleurs fondraient à la chaleur des flots, de ses bras à lui contre son dos à elle. Il ressentit une violente pulsion de désespoir à la pensée dévastatrice que cela n'arriverait plus jamais, et ne se retint qu'à grand peine de bâillonner l'envie de faire taire tout ce qui remettait en question qu'ils étaient eux, qu'ils étaient forts, qu'ils étaient la seule cause en quoi il avait eu la moindre foi de toute sa putain de vie.
Les ombres s'allongeaient à mesure qu'ils rendaient les armes, rampaient jusqu'au désespoir délicat qui ravageait le dessin fragile des traits de Sienna. Lui qui l'avait toujours connue si forte, défiant tout ce que la vie lui opposait avec un courage qui faisait sa fierté, ne pouvait qu'observer l'obscurité lui voler le bleu-gris des iris qui avaient renversé son monde quatre ans plus tôt.
La nuit était tombée sur eux, et il n'avait rien vu venir.
"I can only give you everything I've got, I can't be as sorry as you think I should, But I still love you more than anyone else could"
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Le silence s'étira entre eux, les emprisonnant totalement dans la peur qu'ils semblaient partager de ce qui pouvait arriver. Elle se risqua à tendre son regard vers lui et lui trouva cette ombre habituelle, celle qui en brisait l'éclat lorsqu'il était tout entier à ses réflexion.
- Je sais. Je sais...
Ses yeux quittèrent précipitamment les prunelles de Trevelyan lorsqu'il les releva vers elle, dans une pâle tentative pour paraître détachée de ce qu'il leur arrivait.
- Je serai jamais heureux de te voir comme ça. Mais je le suis avec toi. Je le suis chaque fois qu'on se voit et je..
Il lui avait pris la main, déclenchant en Sienna l'habituel frisson au contact de sa peur. Mais s'il avait été joie, excitation et bonheur, ce frisson n'était ce soir qu'une désagréable étincelle de douleur qui prenait naissance au creux de son estomac et se diffusait dans tout son corps, au travers du moindre pore de sa peau. Son cœur, qui battait si douloureusement, mais qui battait toujours semblait repartir de plus belle, si plein d'énergie, comme tentant de lui faire comprendre que non, elle n'allait pas mourir de suite, regarde, je bats encore, je bats toujours...
- Sienna, ça ne s'arrangerait même pas si on vivait ensemble. Tant que je bosse au Bureau et toi à l'hosto, ces heures ensemble, c'est le mieux qu'on puisse avoir. Ca changerait rien que tu vives chez moi ou moi chez toi, à part rendre encore pire toutes celles qu'on passe ailleurs.
...Pour cesser de battre complétement l'espace d'une affreuse seconde où le monde s'arrêta de tourner, où les aiguilles de la pendule du grandiose Big Ben se figèrent, ou tout Londres cessa de respira. Puis la seconde passa, et le monde se remit à tourner. Et le cœur de Sienna se remit à battre. Et les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux. Ainsi donc, rien ne pourrait changer. Elle se tut un moment, consciente que Trevelyan s'était arrêté de parler simplement en attendant sa réponse. Que de celle-ci dépendrait beaucoup de choses. Elle dégagea sa main de celle de Trevelyan, attrapa son briquet et se mit à allumer toutes les bougies qui étaient posées devant elle, sur la table. Elle termina par s'allumer une nouvelle cigarette, s'amusant un instant de l'état du cendrier devant elle, qui était propre quelques heures auparavant. Ainsi donc, rien ne pourrait changer. Ils s'échinaient à faire vivre une relation qui ne pouvait pas fonctionner? Pourquoi, alors?
- Je refuse de croire que rien n'est possible.
Elle se redressa dans sa chaise, et se détestant pour cela, fut consciente de l'espoir qu'elle insufflait à ses mots, de l'étincelle qui devait faire briller ses yeux.
- Et si on changeait de vie? Toi et moi. Je trouve un service moins prenant, avec des horaires de journée et plus impossibles comme c'est le cas aujourd'hui. Et toi aussi, tu changes de service. Tu trouves un poste au Ministère moins prenant et moins dangereux. Je ne sais pas, j'ai entendu dire que la Brigade Magique avait des heures plus clémentes...
Elle tira fiévreusement sur sa cigarette, réfléchissant à toute allure. Ils pourraient prendre un appartement, changer de travail. Avec des horaires plus flexibles ou adaptées, ils pourraient se voir tous les soirs, se projeter, vouloir des enfants.
Sienna n'imaginait pas sa vie sans enfant. Depuis toujours, elle avait toujours voulu plonger ses yeux dans ceux, identiques d'un petit bout qu'elle aurait couvert de mots d'amour à ne plus savoir lesquels inventer et d'amour. Elle avait toujours vu sur son chemin un homme qui lui offrirait ce cadeau si précieux et depuis que sa route avait croisé celle de Trevelyan elle savait qu'elle voulait un enfant avec lui. Il n'y avait pas place à la discussion, au raisonnement, elle savait, au plus profond d'elle-même qu'enfants avec Valentine il y aurait, ou alors il n'y aurait rien. Rien du tout.
- Tu en penses quoi..?
Trevelyan Valentine
Ministère
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Jamais encore il n'avait redouté si fort l'impact que pouvait avoir ses mots. L'absurdité d'un silence en suspens ponctua la vérité qu'il avait déballée avec un soin qu'il n'avait jamais réservée qu'à Sienna seule, et lui, inquiet tandis qu'il l'observait, demeura ballotté dans une apesanteur nerveuse qu'il crevait de voir s'achever. Il se faisait l'impression dégueulasse d'avoir lancé un sort sans trop savoir quelle sorte de blessure il infligerait, et ne pouvant qu'espérer comme un damné ne l'avoir pas mortellement meurtrie. Au bleu perdu des iris qui s'embuèrent, braqués sur lui avec l'incompréhension douloureuse de l'animal blessé, Trevelyan comprit en sentant sombrer le sien qu'il l'avait touchée en plein coeur.
Des petits doigts qu'il retenait encore dans la rude chaleur de sa paume ne resta plus qu'un vestige tiède, et bientôt froid, lorsqu'elle s'en défit brusquement. Sa main resta bêtement ouverte une fraction de seconde. Tout en lorgnant les cicatrices tordues qui en labouraient toute la peau, Trevelyan se demanda quel genre de cicatrice, aussi douloureuse qu'invisible, les mots qu'il avait décochés laisserait sur elle. Laisserait sur eux, tout court. Comme effrayée que quelque chose de plus puissant ne s'éteigne, elle alluma trop fébrilement toute une flopée de bougies et s'embrasa d'incandescence une cigarette qu'elle porta à ses lèvres. La cigarette qu'il lui avait volée en arrivant brasillait encore à l'orée du cendrier.
Il la regarda, comme un con, ne pas la prendre.
Trevelyan avait perdu le compte des clopes qu'ils avaient partagées, en écumant d'une bouche à l'autre l'âcre parfum au sortir de journées trop dures. Il lui avait toujours semblé que ce n'était pas seulement des cigarettes qu'ils partageaient alors, mais des fatigues, des colères et des frustrations qu'ils exhalaient dans un même souffle, qu'ils dissolvaient dans un même nuage de fumée. Mais ce soir-là elle ne reprit pas dans sa main frémissante celle qu'il lui avait intentionnellement laissée ; Trevelyan s'en saisit d'un geste plus nerveux qu'il ne l'avait voulu.
- Je refuse de croire que rien n'est possible.
Comme refusant de se laisser abattre, Sienna se redressa vivement et appela aux siens le regard que Trevelyan n'avait encore pas dévié d'elle. La brise tiède d'une soirée d'été dansa avec la flamme de ces bougies qu'elle avait allumées, dorant à leur lueur les cheveux blonds, la détermination fiévreuse de son visage, le fol espoir qui embrasait ses yeux. Et lui ne sentait rien ricocher d'autre en tête que le sale écho cruel qu'elle avait provoqué, ce "rien" qu'elle venait de balancer pour résumer ce qu'ils deviendraient si rien ne changeait. Rien. Il ne l'avait même pas envisagé.
- Et si on changeait de vie ? Toi et moi. Je trouve un service moins prenant, avec des horaires de journée et plus impossibles comme c'est le cas aujourd'hui. Et toi aussi, tu changes de service. Tu trouves un poste au Ministère moins prenant et moins dangereux. Je ne sais pas, j'ai entendu dire que la Brigade Magique avait des heures plus clémentes... Tu en penses quoi ?
Elle le couvait de tant d'attentes prêtes à être déçues, elle en était tellement belle, que c'en était trop douloureux. Un genre de sentiment rageur lui fouaillait le ventre, et il mit quelques secondes à comprendre que ça n'était pas seulement la colère de devoir lui faire mal qui le détruisait déjà, mais d'avoir mal lui-même. Il approcha jusqu'à ses lèvres la cigarette qui s'évanouissait en brume éparse, tentant de faire dégager avec toute cette putain de fumée l'asphyxiante sensation de n'être pas aimé, plus voulu, pour ce qu'il était. Il resta le regard dans le vague quelques instants, se donnant le temps d'encaisser ce qui lui résonnait aux tempes et de formuler la seule conclusion qu'il y trouvait. Tu en penses quoi ?
- Que je te suffis pas.
Il haussa les épaules dans un chuintement de sa veste en cuir, s'étranglant dans l'ébauche d'un sourire terni de désillusion, comme résigné à énoncer une évidence qui s'imposait à lui sans qu'il arrive pleinement à l'admettre. Ils étaient peu, ceux qu'il avait jamais croisé à l'avoir accepté pour ce qu'il était, et il n'y en avait eu qu'une pour l'aimer en dépit de tout, de lui, de son caractère, de ses cicatrices, des cauchemars trop sanglants qui découpaient ses nuits en souffles saccadés. Il aurait dû se douter qu'un jour viendrait où Sienna aurait besoin de mieux - et qu'il ne serait jamais foutu d'être mieux que ça. Une boule de colère lui montait en gorge et bloquait à sa bouche ce qu'il aurait voulu dire - de la colère contre lui, de n'être pas celui qu'elle voulait, celui dont elle avait besoin. De ne pas le pouvoir. Passant une main fébrile sur le chaume rude de ses joues mal rasées, Trevelyan se leva de la table basse dont il occupait un recoin et prit une longue inspiration, bien trop profonde pour ne pas trahir sa propre agitation.
- Tu sais pourquoi je fais ce boulot, pourquoi c'est pas juste un boulot. Tu le sais...
Pas pour jouer les héros, ni pour voir son nom apparaître dans les gros titres qui architecturaient les pages de la Gazette ; parce que c'était la seule façon qu'il avait dénichée de faire taire la culpabilité d'avoir survécu là où d'autres avaient succombé. Parce que traquer jusqu'au dernier mage noir et se mesurer à ce que la magie suintait de plus sombre restait pour lui sa seule possible rédemption, la seule issue pour se pardonner de n'avoir pas pu sauver, quand les Mangemorts avaient déferlé sur Poudlard, des amis disparus dont la jeunesse s'était noyée au rouge des mares de sang. Etre Auror n'était pas pour lui qu'un désir de sauver la peau des autres - c'était une façon, aussi, de sauver la sienne jour après jour. Et il n'y avait qu'à Sienna que Trevelyan l'avait jamais confié, qu'à la tendresse de sa voix qu'il avait su répondre et mettre un nom sur ce qui le poussait, toujours, à mettre en jeu sa vie pour celle des autres. C'était ce qu'il était.
- Ce serait simplement plus moi si je changeais, je peux rien faire d'autre que ça. Tu crois vraiment qu'on serait mieux tous les deux si on faisait chacun de notre côté un boulot qui nous plaît pas ? On pourra pas être bien ensemble en étant malheureux chacun de notre côté, Sienna... Si c'est ce qu'il faut pour toi pour qu'on soit bien, je pense que c'est pas plus avec moi que tu veux, c'est...quelqu'un d'autre. La gorge nouée, il ajouta, souhaitant que cette soirée n'aie jamais existé. Et ne dis pas qu'on est rien, même si ça ce n'est pas possible.
"When the night was full of terrors And your eyes were filled with tears When you had not touched me yet Oh, take me back to the night We met"
Fond sonore
_____________________________________
- Que je te suffis pas.
Comme si chaque phrase qu'il prononçait était faite pour les conduire à la fin. Elle dégagea son regard de lui et le perdit un instant dans la ville qui dormait. Non, non, non, n'écoute pas la suite. Elle l'avait aimé si vite et dans un tourbillon qui l'avait emportée bien loin de ce qu'elle avait l'habitude d'être. Sage, prudente, pragmatique. Tout ça s'était évaporé à l'instant où elle avait posé les yeux sur lui. Bien sûr qu'il lui suffisait, allez, on arrête là, tout va bien. Ca me suffit. Tu me suffis.
- Tu sais pourquoi je fais ce boulot, pourquoi c'est pas juste un boulot. Tu le sais...
Elle le savait. Ils avaient longuement parlé de ces sentiments qu'ils ressentaient tous deux. Cette envie d'être utile aux autres tout en se réparant lui-même. Ce besoin qu'elle avait de se sentir utile aux autres pour exister réellement. Ces vies qu'ils avaient pu toucher de la bonne façon, de la belle manière, et qui avaient apporté beaucoup à la leur. Ces sentiments si différents et difficiles à exprimer mais qui se fondaient incroyablement bien quand ils se taisaient et que leurs yeux prononçaient le reste des mots qu'ils n'osaient pas dire.
- Ce serait simplement plus moi si je changeais, je peux rien faire d'autre que ça. Tu crois vraiment qu'on serait mieux tous les deux si on faisait chacun de notre côté un boulot qui nous plaît pas ? On pourra pas être bien ensemble en étant malheureux chacun de notre côté, Sienna... Si c'est ce qu'il faut pour toi pour qu'on soit bien, je pense que c'est pas plus avec moi que tu veux, c'est...quelqu'un d'autre. Et ne dis pas qu'on est rien, même si ça ce n'est pas possible.
Elle releva vivement les yeux vers lui et se leva d'un bond. Le plaid s'étala à ses pieds et, en la heurtant, la table basse chancela dangereusement, renversant un peu de cendre du cendrier. Sa voix était forte lorsqu'elle reprit la parole, et elle monta crescendo pour s'achever sur un cri qui s'étrangla.
- Et donc?! Donc, on s'arrête là?! Ca serait plus toi si tu changeais, ben ça serait plus moi non plus, pourtant je propose une solution ! Une vraie putain de solution !! Et toi tu fais quoi? Tu chouines, tu repousses ce que je propose. Alors trouve un moyen bordel, trouve un moyen avant qu'on se perde complétement. Parce que si, c'est toi que je veux, ça n'a pas changé, mais tu peux reconnaître que ça ne va pas et qu'il faut faire quelque chose non?
Elle avait pointé son doigt sur lui, lui martelant la poitrine durant sa diatribe. Le silence retomba entre eux. Elle chuchota :
- J'ai besoin de toi Love, j'ai besoin de toi pour toute ma vie. C'est avec toi que je veux me marier, c'est tes enfants que je veux porter. Mais j'ai besoin que tu te battes pour nous. Trouve une solution. S'il te plaît...
La colère fléchit un peu et elle se sentit soudainement vertigineuse. La situation lui échappait, comme si elle avait essayé d'attraper sa fumée de cigarette. Tout lui coulait entre les doigts. Son regard se fit implorant et elle se détesta pour cela. Il devait trouver une solution, il devait les sauver, car rien de ce qu'elle imaginait ne l'incluait pas.
Trevelyan Valentine
Ministère
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Localisation : A la chasse aux Mangemorts, quelque part en Grande-Bretagne
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Presque aussi brutalement qu'on craque une allumette, elle mit le feu aux poudres. Ou est-ce que c'était lui, au fond ? Les yeux brûlants d'une colère désespérée qu'elle lui jeta au visage, elle jaillit du fauteuil qui contenait jusque là toute sa détresse et la laissa se déverser comme se déversa subitement hors du cendrier la masse pulvérulente de cendres froides. Peut-être que c'était l'exacte même chose - un trop plein débordant de peines et de frustrations accumulées, laissées à refroidir depuis trop longtemps pour ne pas finir par dégorger au prochain heurt. Il aurait dû savoir, sentir que là-dessous couvaient des braises qui allumaient maintenant le regard de Sienna d'une rage qu'il n'avait jamais fait qu'apercevoir.
- Et donc?! Donc, on s'arrête là?! Ca serait plus toi si tu changeais, ben ça serait plus moi non plus, pourtant je propose une solution ! Une vraie putain de solution !! Et toi tu fais quoi? Tu chouines, tu repousses ce que je propose.
Trevelyan se raidit. Il lui fallut tout son sang-froid pour encaisser tout ce qu'elle lui balançait dans la gueule sans ouvrir la sienne. Chouiner, mh ? Parce que c'est une vraie putain de solution, ça, ce que tu proposes ? Abandonner ce qu'on est et piétiner ce qu'on aime pour grappiller deux ridicules heures de plus par semaine ?, retint-il dans les crispations de sa mâchoire tendue, accusant stoïquement le martèlement de son petit doigt contre son torse et le crescendo de sa voix. Crache tout ce que t'as à cracher, blondie, se répéta-t-il en la couvant patiemment du regard et sans broncher malgré tout ce qu'il avait besoin de sortir, lui aussi, comme s'il s'agissait d'un mauvais alcool à dégorger. Non, on s'arrête pas là, ma belle. On s'arrête pas nous deux, jamais. Jamais.
- Alors trouve un moyen bordel, trouve un moyen avant qu'on se perde complètement. Parce que si, c'est toi que je veux, ça n'a pas changé, mais tu peux reconnaître que ça ne va pas et qu'il faut faire quelque chose non ?
Les murmures bourdonnant qui provenaient jusque là du balcon voisin s'éteignirent, sans doute pour mieux se délecter de leurs échos sans en perdre une seule miette. Il aurait été à deux doigts de leur recommander d'aller correctement se faire foutre s'il n'avait pas justement craint que tout finisse en miettes dût-il s'en détourner un seul instant, sans qu'il puisse plus rien faire pour que Sienna arrête de lui glisser entre les mains. Qu'ils se repaissent de la peur et de la tristesse qui ravageaient sa voix soudain brisée de murmures lui était insoutenable. Leur histoire était ce qu'il avait connu de plus beau et elle, Elle était ce qu'il avait vécu de plus pur - tout ça n'appartenait qu'à eux, depuis la façon dont les réverbères ambraient sa peau jusqu'aux chuchotements implorants qu'elle lui adressa, fragile, plus que jamais auparavant. Par sa seule faute. C'était insupportable...
- J'ai besoin de toi Love, j'ai besoin de toi pour toute ma vie. C'est avec toi que je veux me marier, c'est tes enfants que je veux porter. Mais j'ai besoin que tu te battes pour nous. Trouve une solution. S'il te plaît...
Presque aussi tristement qu'une allumette, toute aussi frêle, elle sembla subitement s'éteindre. J'ai besoin de toi, Love.. Trevelyan glissa une main sous le gilet qu'elle portait et enveloppa sa taille pour mieux l'attirer contre lui et la blottir au creux de ses bras avec une tendresse déchirante, refermant autour d'eux le cuir de sa veste. Il inclina la tête jusqu'à trouver du bout des lèvres le parfum étourdissant de sa peau sucrée, la goûtant d'un baiser, d'un autre au front, caressant de la main qui ne berçait pas déjà son dos le doré de ses cheveux.
- D'accord, d'accord, je vais trouver, je te le promets, je te le promets...
Tout, mais arrête de t'éteindre. Fébriles, ses mots se perdaient en murmures à l'orée du blond soyeux qui dévalait le dos de Sienna, auquel se mêlait le chaume rude de ses joues mal rasées. Octobre tombait tout autour d'eux, mais elle avait un goût d'été. Comme pour l'empêcher de se consumer, il l'enlaça d'autant plus étroitement en l'étreignant contre son coeur comme le plus précieux des trésors. Je t'aime, je t'aime... Chacun de ses gestes le hurlait. Une chamade intenable lui massacrait les côtes tandis qu'il retournait la situation dans tous les sens et tous les angles, cherchant une promesse d'accalmie, une faille aux certitudes, un répit à leurs déchirements. Un moyen de ne pas la crucifier entre ses bras lorsqu'il lui apprendrait que tous les avenirs auxquels elle aspirait ne seraient avec lui qu'une collection de rêves morts-nés. Un mariage. Des enfants...
Trevelyan inspira profondément avant de laisser libre cours au rauque assuré de sa voix, à la lisière du visage qu'il tenait encore pelotonné contre lui.
- Je vais voir McFadyen demain, je me retire des missions sous couverture, asséna-t-il. Plus de semaines sans se voir et sans que tu saches où je suis ni comment je vais. Si son chef acceptait de telles libertés sans qu'il se prenne un revers ou une descente en grade relèverait du miracle, mais la silhouette au creux de sa veste lui importait plus que n'importe quelle hiérarchie. On cherchera quelque chose à nous, à Londres ou à la mer, n'importe où en Angleterre, n'importe. On se trouvera un chez nous, pour tous les deux...
La concession lui coûtait déjà tellement qu'il refusait de penser aux conséquences de son geste. Il rêvait de ne plus partager ses nuits et ses journées qu'avec elle au sein d'un seul et même foyer, de ne plus jamais retrouver la solitude désolante de son appartement désert au retour de missions ; mais c'était cette même solitude qui la protégeait elle de ceux qui auraient voulu se venger de lui, le suivre, lui. L'ampleur des mesures de sécurité à prendre pour que personne ne puisse s'en prendre à elle dans ce futur cocon lui refilait déjà le vertige - mais serait demeurée faisable.
Il ferma les yeux, plissa fort les paupières. Acheva de tout foutre en l'air.
- Mais...
L'Auror glissa les mains de part et d'autre de l'ovale parfait dont elle le regardait, belle à en mourir des espoirs sublimes qu'elle plaçait en lui, en eux, et qu'il allait faire avorter. A quel point fallait-il être salaud, pour la trahir si fort quand elle remettait là entre ses mains ce qu'elle avait de plus intime ? Il n'avait pas manqué la lueur d'envie qui lui avait embrasé le regard lorsque son propre frère, Locryn, leur avait présenté Tamsyn au sortir de la maternité ; Sienna avait observé avec un ravissement muet les joues bombées et les ridicules, minuscules doigts potelés qui s'étaient refermés sur les siens. Il avait enterré bien loin de ses pensées et des projets qu'il avait pour eux ce regard-là, supposant qu'elle avait compris qu'il ne le partageait pas, et qu'il serait assez. Assez pour elle, assez pour vivre ensemble - à deux. Seulement à deux.
- N'importe quel enfant serait chanceux de t'avoir pour mère, dit-il très, trop doucement en promenant un pouce sur sa joue. - Mais après tout ce qu'on a vécu, Sienna..? Deux guerres en une vie, et combien encore pour tous les gamins qui naîtront ? Combien de mages noirs dont on ignore encore le nom et l'existence pour leur tomber dessus ?
Malgré l'étau qu'il sentait se resserrer sur sa gorge à mesure qu'elle le dévisageait, sa voix s'affermit, et il happa dans le bleu limpide de ses yeux ceux de la médicomage en priant n'importe quel putain de dieu qu'elle ne le prenne pas pour un rejet terrible.
- Si le seul fait d'être ensemble t'a déjà désignée comme une cible de choix pour tous ceux que je traque ou que j'ai déjà mis sous les barreaux, tu imagines ce que tu deviendrais en portant mon nom ? Si des enfants, portaient mon nom ? C'est ce vers quoi ils vont en tout premier pour obtenir ce qu'ils veulent, à leurs yeux la famille n'est rien de plus qu'un levier, une proie pour faire pression. J'ai vu trop de familles déchirées au boulot pour avoir envie de vivre ça, je... je supporterais pas, qu'il t'arrive quoi que ce soit. Je pourrais pas. Bon sang Sienna, je suis déjà pas foutu de te protéger des tarés qui ont détruit l'hosto pendant cette putain de guerre ! Tu te vois élever des enfants en sachant que mon nom leur a peint une cible en pleine tête, ou sans savoir si je rentrerais le soir, ni dans quel état ?
Il passa une main dans la barbe négligée qui grignotait les contours affûtés de son menton, agité, car tout ressortait dans un affreux bordel, et toute la terreur qu'il avait eu de la perdre aux mains des Rafleurs resurgissait, violente, hideuse, comme une plaie purulente que toutes les traques du monde n'arriveraient pas à cicatriser tant qu'il n'aurait pas exterminé les coupables. Et rajouter des enfants à l'équation..? Son choix à lui était fait, il l'avait toujours été, et il avait douloureusement conscience que cela imposait à Sienna de faire le sien, aussi.
- Je me battrai pour nous tous les jours, pour toutes nos vies. Mais juste pour nous, blondie. Juste pour nous...
Le souffle saccadé, Trevelyan se sentait l'équilibre d'un funambule prêt à déraper. Il l'avait choisie, elle. Et si elle ne le choisissait pas ?
Elle finissait tout juste sa phrase qu'il l'entourait de ses bras pour l'attirer contre lui, et, assise sur ses genoux, le visage encastré dans son cou, une main dans ses cheveux, son parfum enivrant l'enveloppant plus encore que son corps, elle se mordit les lèvres, fort, si fort pour retenir ses larmes qu'elle sentit rapidement le goût du sang dans sa bouche.
- D'accord, d'accord, je vais trouver, je te le promets, je te le promets...
Il répétait ces mots encore, et encore, et encore, tant et si bien qu'elle se prit à sourire, si fort, tellement soulagée de le voir réagir, comprendre et chercher une solution. Elle croyait tellement en lui, elle l'aimait tellement qu'il ne pouvait pas exister un problème qu'il ne saurait résoudre. Aucun obstacle ne pouvait l'empêcher de trouver un moyen de régler leurs disputes et s'il disait qu'il allait trouver, alors, elle le croyait. Une vague de soulagement la submergea et elle se lova un peu plus encore dans ses bras. L'espoir remplaça rapidement le soulagement, et elle sourit de plus belle, cachée dans son cou, une main posée sur sa poitrine, goûtant ce sentiment si fort qui venait enfin, ce soir, balayer la peur et la colère.
- Je vais voir McFadyen demain, je me retire des missions sous couverture, asséna-t-il. Plus de semaines sans se voir et sans que tu saches où je suis ni comment je vais. On cherchera quelque chose à nous, à Londres ou à la mer, n'importe où en Angleterre, n'importe. On se trouvera un chez nous, pour tous les deux...
Les larmes qu'elle avait retenues à grand renfort de morsure finirent par dévaler sa joue, mais elle leur laissa cette liberté, sans chercher à les dissimuler, car elles portaient ce soir le goût du bonheur qui allait renaître, de mille promesses qui pourraient finalement se réaliser. Le souffle qui lui avait manqué depuis le début de soirée se délia et elle prit une profonde inspiration qui n'avait que le goût de son parfum. Enfin, enfin ces semaines sombres étaient derrière eux. Elle releva ses yeux embués de larmes vers lui et lui adressa un sourire timide. Qui fut vite balayé.
- Mais...
Comment un seul mot, un unique mot avait-il ce pouvoir dévastateur? Comment était-il possible de passer par un tel nombre d'émotions en aussi peu de temps? Il posa ses mains sur elle, dans un geste d'une douceur absolue. D'une violence infinie. Elle sentait ses doigts se promener sur son visage, sur sa joue, laissant une traînée de chaleur qu’elle trouva trop agréable, à la limite de l’insupportable.
- N'importe quel enfant serait chanceux de t'avoir pour mère. Mais après tout ce qu'on a vécu, Sienna..? Deux guerres en une vie, et combien encore pour tous les gamins qui naîtront ? Combien de mages noirs dont on ignore encore le nom et l'existence pour leur tomber dessus ?
Elle retint sa respiration, consciente que la conversation lui échappait et qu'elle n'avait aucune idée de la direction qu'elle prenait. Mille pensées lui traversaient la tête, partant dans tous les sens, tant elle ne comprenait pas ce qu'il essayait de lui dire. Est-ce qu’il souhaitait qu’ils attendent encore? Pour être sûrs que Celui-dont-on-ne-doit-pas-dire-le-nom était bien parti? Ou que tous les Mangemorts étaient bien à Azkaban? Elle ne souhaitait pas d’enfant dans la minute, elle pouvait attendre. Il reprit la parole, sa douce voix encore un peu plus basse et les vibrations de sa poitrine alors qu’il parlait s’insinuèrent en elle aussi sûrement que ses mots coulèrent jusqu’à son coeur et ses veines, comme un poison glaçant..
- Si le seul fait d'être ensemble t'a déjà désignée comme une cible de choix pour tous ceux que je traque ou que j'ai déjà mis sous les barreaux, tu imagines ce que tu deviendrais en portant mon nom ? Si des enfants, portaient mon nom ? C'est ce vers quoi ils vont en tout premier pour obtenir ce qu'ils veulent, à leurs yeux la famille n'est rien de plus qu'un levier, une proie pour faire pression. J'ai vu trop de familles déchirées au boulot pour avoir envie de vivre ça, je... je supporterais pas, qu'il t'arrive quoi que ce soit. Je pourrais pas. Bon sang Sienna, je suis déjà pas foutu de te protéger des tarés qui ont détruit l'hosto pendant cette putain de guerre ! Tu te vois élever des enfants en sachant que mon nom leur a peint une cible en pleine tête, ou sans savoir si je rentrerais le soir, ni dans quel état ?
Trahison. - Je me battrai pour nous... Trahison. -... tous les jours, pour toutes nos vies. Trahison. - Mais juste pour nous, blondie. Trahison. - Juste pour nous… Trahison. Elle posa sa main sur les lèvres tant aimées de Trevelyan et lui dit, la voix blanche et secouée de sanglots:
- Arrête de parler. S'il te plaît, arrête de parler...
__________________________________________________________________ -Quelques mois plus tôt -
- Moooh, mais regarde comme il est beau ! - Sienna, chut, il dort! - Il dort, il dort, il est beau quand même! Il est choupi! - C'est quoi ce mot? - Trevelyan, chut, il dort !
Ils rirent en regardant le bébé bouger dans son sommeil, probablement dérangé par leurs chuchotements au dessus de son berceau. Trevelyan lui avait alors adressée un regard moitié amusé, moitié dépité. Il ferait un très bon père, elle n'en doutait pas, et le sourire qu'il gardait en coin n'avait pas échappé à Sienna; leurs enfants seraient bien plus beaux que Tamsyn s'était-elle dit alors, riant de sa mesquinerie. Mais elle avait adressé un regard vers le ciel, priant elle-ne-savait-qui pour que cette rencontre donne envie à Trevelyan de lui parler de leurs futurs enfants.
Trahison. Ainsi, elle s'était trompée. Elle avait mal su décrypter ses regards et ses sourires. Un silence s’insinua en eux alors qu’un lien se brisait. Elle se retourna face à Londres et vint s’allonger sur lui, son dos appuyé sur sa poitrine. Joue contre joue, elle referma les bras de Trevelyan autour d’elle et chuchota:
- Ne dis plus rien.. Un flot de larmes s’écoula sur son visage, sans que son corps ne soit plus secoué de sanglot, sans même, peut-être que, Trevelyan ne les voit. Elle sentait le coeur de son compagnon battre contre sa colonne vertébrale mais elle ne pouvait pas dire si le sien réagissait encore. Lui qui avait fait si mal ce soir semblait s’être calmé, enfin, ou peut-être était-il trop épuisé pour encore pouvoir se manifester? Ils avaient entrelacé leurs doigts et elle joua avec, massant la paume de la main ou serrant les doigts, un par un. Elle passa lentement la pulpe de ses doigts sur la dos de sa main, avait-elle toujours été si douce. Un chat miaula dans la rue en bas, et son miaulement résonna dans l’air jusqu’à eux. Une brise éteignit quelques bougis devant eux, n’en laissant plus qu’une allumée. Ainsi, elle s’était trompée. Et lui, l’avait trompée en ne lui disant jamais qu’il ne souhaiterait pas d’enfant avec elle. Il n’avait pas pu se méprendre sur ses réactions lorsqu’il avait rencontré son neveu. Il était impossible que lui, auror du ministère n’ait pas saisi les sourires qu’elle lui avait alors fait. Improbable que ses yeux n’aient pas été pétillants en découvrant le chérubin endormi. Impensable qu’il ne se soit jamais dit que, “oui, peut-être Sienna voudra un enfant”. Ainsi, elle s’était trompée. Et pourquoi n’avait-elle jamais eu le courage de lui demander? Savait-elle déjà, au fond, qu’il n’était pas homme à vouloir d’enfant? Avait-elle une si haute opinion d’elle-même qu’elle se sentait capable de changer sa nature profonde et ses désirs à lui? Ainsi, elle s’était trompée. Pire encore que la trahison, elle se sentait honteuse. Si honteuse d’avoir ce désir d’enfant qui, elle le savait, allait les séparer. Honteuse de savoir qu’elle aurait été prête à accepter sa proposition de changer d’emploi alors qu’elle-même, ne pourrait envisager de vivre une vie sans enfant. Honteuse de savoir que ce soir, ils allaient se séparer, et qu’au final, c’était à cause d’elle. Et qu’il n’y avait rien à faire.
Le flot de larmes se tarit enfin. Elle ne savait combien de temps ils avaient passé là, allongés l’une sur l’autre, à se caresser les mains, joue contre joue, coeur contre coeur. Elle ne savait combien de temps ils auraient pu rester là, combien de fois l’horloge de Big Ben avait sonné, combien de jours étaient passés, combien d’années. Il y avait de nouvelles lueurs dans le ciel lorsqu’un coup de vent éteignit la dernière bougie. Comme un signal.
Elle se releva, dénouant sa nuque rendue douloureuse par la position et s’alluma une cigarette puis en tendit une à Trevelyan sans le regarder. Elle s’accouda au balcon; elle savait ce qu’elle avait à faire, et si, elle savait que la douleur n’était pas loin, elle la contint un moment, déterminée à faire ce qui était juste pour Lui, pour eux. La cigarette acheva de se consumer et avec elle s’éteignait leur relation, leur amour. Elle se tourna vers lui et posa une main sur sa joue.
- Je t’aime, Love. Je t’aime, mais on ne se convient plus... T’as pas à changer de boulot pour moi et j’ai pas à renoncer à vouloir des enfants pour toi, alors…
Elle laissa sa main retomber.
- Alors, je vais aller travailler, et quand je rentrerai, tes affaires ne seront plus ici.
Elle balança le mégot de sa cigarette par dessus le balcon et posa une dernière fois ses lèvres sur celles de Trevelyan. Elle eut l’impression étrange qu’il lui rendait son baiser sans le faire et ce baiser lui sembla plus cruel encore que ce qu’elle avait eu à dire juste avant. Ce baiser n’était pas leur baiser habituel et ne leur ressemblait pas. Ce dernier baiser.
- Je t’aime, Love.
Anesthésiée, n’entendant rien d’autre que les hurlements dans sa tête, elle rentra dans son appartement, attrapa la clé de Trevelyan sur le meuble où il l’avait laissée, et ouvrit la porte qui alla cogner contre le mur de l’entrée. Elle dévala les escaliers à toute vitesse et alors qu’elle trébuchait sur une marche du premier étage, elle transplana sans bruit.