Nous sommes en Décembre 1998. La Grande Bataille a eu lieu il y a quelques mois, brisant le joug sombre imposé par Lord Voldemort. Le monde de la Magie s'est vu affronter des matins hagards et des vérités crues avant que de retrouver un certain équilibre, pourtant bien loin d'être parfait...



C'est sous l'incorruptible égide de Kingsley Shacklebolt et en gardant sa détermination pour ligne d'horizon que le Ministère de la Magie essaye de se reconstruire, passées les affres de la guerre. Pour épurer ses couloirs des sbires de Voldemort qui en avaient souillé toutes les valeurs, le bastion du pouvoir sorcier oeuvre d'arrache-pied pour retrouver un visage en lequel la population sorcière  pourrait avoir confiance. La diplomatie étrangère a elle aussi gravement souffert du renversement tyrannique du gouvernement durant la guerre, et le nouveau Ministre travaille patiemment à renouer des liens à l'échelle internationale.

Aux Aurors incombe l'implacable chasse aux Mangemorts encore en liberté, dont beaucoup après la dernière bataille ont préféré fuir la justice qu'être confronté à leurs actes. D'enquêtes en filatures, épaulés par l'Unité de Capture des Loups-Garous quand l'occasion l'exige, les Aurors sont au dernier front de la guerre et le premier rempart du monde sorcier contre les disciples restants du Seigneur des Ténèbres. Sur leurs épaules et l'austérité de leur uniforme repose tous les espoirs d'enfin purger la Grande-Bretagne de ceux qui l'ont trop longtemps gangrénée.

A ces Mangemorts dont la cavale a pris fin échoue l'instant de vérité promis par la Justice Magique. Les meilleurs avocats s'entre-dévorent d'accusations en plaidoiries depuis des mois devant les gradins du Magenmagot, certains réclamant châtiment au nom de la société et des victimes, quand d'autres moins scrupuleux déploient sans relâche des circonstances atténuantes pour leurs clients. Entre réels coupables lorgnant l'acquittement et accusés rongés d'avoir agi sous Impero plaidant l'embrigadement de force, la question du recours au Veritaserum fait rage.

Le procès Fawley, surtout, a embrasé la polémique.

Jugé coupable en temps de guerre de crimes valant perpétuité, après avoir plaidé l'assujetissement à un Impardonnable appelant à l'irresponsabilité pénale et l'abandon des charges, Mattheus Fawley a été condamné à l'emprisonnement à vie sous les pleurs de son jeune fils, le désespoir foudroyé de sa femme et ses propres cris d'innocence, déchirant le tribunal tandis que l'on évacuait sa mère évanouie. Une erreur judiciaire ! C'est ce qu'a tonné son père, Odysseus Fawley, directeur du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques - assez désespéré par le verdict pour forcer au nom de son fils les geôles du Ministère et organiser en vain son évasion. Depuis cette tragédie familiale, les acteurs juridiques et penseurs du monde sorcier s'écartèlent via pamphlets interposés dans les media en exigeant du Ministère qu'il prenne finalement position sur le sujet, et autorise ou non l'accès forcé aux souvenirs des accusés en salle d'audience.



Ils sont peu, ceux dont la guerre n'a pas changé la vie ou le sourire. Quelques semaines après la chute de Lord Voldemort, signant la fin d'une apocalypse ayant dévasté bien trop d'existences, le monde sorcier est loin d'être guéri de ses plaies ni des souvenirs qui y suppurent. Rares sont les optimistes ayant foi en une paix durable, capables de projeter leur futur dans un avenir que beaucoup redoutent encore. Et si les jours à venir ressemblaient finalement à ceux que l'on a passés, à ceux auxquels on a tout juste survécu ?

La Marque des Ténèbres a autant marqué au fer rouge le ciel de Londres que l'esprit de ses habitants. Le souvenir des combats menés, des humiliations endurées à l'infâme Commission des Nés-Moldus, et les douloureuses énumérations à la radio des sorciers assassinés résonnent encore dans toutes les têtes. Dans trop de lieux qui se sont vu théâtres malgré eux de scènes sanglantes, les innocents assassinés ont disparu trop violemment pour se résoudre sereinement à l'au-delà ; beaucoup d'entre eux errent dans la mort en y cherchant le sens disparu de leur vie, fantômes submergeant de leur peine les membres débordés de la Section des Esprits.

Surmenés aussi sont tous les potionnistes et pharmacomages, réquisitionnés d'office par le Ministère pour renflouer les réserves détruites des élixirs et philtres médicamenteux de Sainte-Mangouste. Dans une vaste mesure d'urgence mise en place par un gouvernement convalescent et pour remédier au pillage de l'Hôpital public par les Mangemorts, Kingsley Shacklebolt a choisi d'impulser un élan d'effort commun pour rétablir, au plus vite, l'efficacité du système de santé sorcier - dont les psychomages, depuis quelques mois, sont  aussi devenus l'un des piliers.

En dépit des difficultés, c'est un instinct de survie tenace et plus fort que le reste qui pousse jour après jour les sorciers et sorcières de Grande-Bretagne à vivre encore, à vivre malgré tout. Les commerces ont rouvert et leurs enseignes retrouvent peu à peu leur lustre, le quotidien reprend doucement son cours, rythmé dans les colonnes de la Gazette par les récits mouvementés des procès de Mangemort et une société désireuse que plus jamais rien d'aussi désastreux ne puisse recommencer.



Capricieuse danse, que celle de l'influence... Les valses du pouvoir sont avides en faux pas et désistements de partenaire dans la sphère privilégiée de l'aristocratie, où la moindre entrevue est soigneusement chorégraphiée pour ne jamais perdre la maîtrise de l'échiquier. Dans un écrin succinct de luxe et traditions, les grands clans de sang pur cherchent chacun dans un monde en reconstruction à affirmer la position de leur famille. Puisque déchus sont les Lestrange et mis au ban les Malefoy, l'équilibre subtil de pouvoir ne demande qu'à ce qu'un clan s'élève au-dessus des autres pour retrouver toute sa stabilité.

Ce ne sera pourtant pas sans heurts. Entre les éternels aspirants à la supériorité du sang pur, discrets partisans des Mangemorts encore en fuite, et les familles plus modérées qui ne cherchent qu'à protéger les leurs qu'un idéal extrême a trop abîmés, la lutte est aussi pugnace qu'impitoyable. Souvent impliqués plus ou moins profondément dans les grands procès de Mangemort, qu'ils infléchissent à coups de menaces, pots-de-vins et scandales médiatiques, les prestigieux clans de l'aristocratie sont tenus dans une haine vivace par la majorité du monde sorcier et se livrent, entre eux, à des querelles intestines que leur honneur, l'amour ou leur rancœur leur interdit d'abandonner.

Dans une valse où il ne suffit que d'un faux pas ou d'un mauvais cavalier pour sombrer du grand roi au fou, qui sortira vainqueur ?