17 septembre 1998
Une pellicule de sueur froide lui gelait la nuque lorsqu'il s'éveilla en sursaut, un cri sourd à la bouche surgi du néant de ses cauchemars. D'une main fébrile, Averroes repoussa les couvertures tièdes qui soudain l'étouffaient et s'assit au milieu d'un lit aux draps défaits, froissés, trahissant à eux seuls l'agitation de son sommeil. Le souffle court, il laboura son crâne avec l'angoisse tremblante des mains qu'il glissa dans ses cheveux pour les rabattre en arrière. Les hurlements se répercutaient encore dans sa tête tandis qu'il se pressait les tempes comme pour les faire taire, mais seules les secondes défilant avec une lenteur cruelle parvinrent à estomper le souvenir des cris. Ceux de sa collègue, ceux des patients. Les siens.
La gorge soudain sèche, il balança ses jambes hors de son lit et saisit le bois de saule de la baguette qui ne quittait plus son chevet depuis la guerre. Se levant précipitamment, il illumina aussitôt la semi pénombre qui nimbait la salle de garde de l'hôpital.
- Lumos, murmura-t-il d'une voix tremblante, encore enrouée par une trop courte heure de sommeil.
Le sortilège envoya des sphères de lumière illuminer des niches scandant les murs autour de lui, accusant les reliefs parcheminés d'une pile de dossiers striés d'encre qu'il lui restait à examiner. La lueur réchauffant soudainement la salle de garde allégea le poids qui lui plombait encore le cœur, comme si grappiller quelques brins de lumière pouvait amoindrir ses propres noirceurs. Il se réjouit amèrement en une pensée fugace que personne n'ait pris de repos en même temps que lui tant il avait honte de se réveiller dans de pareils états de terreur, pétri d'angoisse, réduit à l'état d'une poupée de chiffon par son inconscient.
S'efforçant de retrouver son souffle, Averroes quitta sa chambre pour l'alcôve émaillée qui tenait lieu de salle de bains et remplit d'un Aguamenti le bassin argenté dont son Lumos soulignait les reflets métalliques. Il plongea les mains dans l'eau qu'il avait voulue glacée en s'aspergeant le visage, le frottant avec toute l'énergie de sa détresse pour ôter de sa rétine les images que le cauchemar y avait imprimées de nouveau. L'onde froide agit comme un coup de fouet au moins pour son sang-froid, et c'est en ayant la respiration seulement hachée par l'eau glaciale qu'il releva enfin la tête.
Maîtrise-toi, bon sang.
Il ne jeta pas une once de regard au miroir qui surplombait le bassin tant il redoutait d'y affronter son propre reflet. La porte de la salle de garde s'ouvrit alors dans son dos en un chuintement, accueillant un collègue qui ne manquerait pas de le prendre en flagrant délit d'état de faiblesse. Crispant ses mains sur le rebord du bassin métallique, Averroes s'éclaircit la gorge en s'efforçant de maîtriser les tremblements de sa voix.
- Je laisse la place tout de suite.
Il n'ajouta rien de plus, fidèle à sa réserve habituelle et peu désireux de trop parler de peur de trahir ses propres frissons.