La rentrée avait commencé depuis quelques jours, la reconstruction de Poudlard suivait son cours et les procès continuaient à faire la une de la Gazette. Une pluie fine tombait sur le parc quand Thalie le traversa pour se rendre dans la forêt interdite. En tant que professeur de soins aux créatures magiques, elle avait désormais l’immense privilège de s’y rendre comme si elle en faisait partie. Et elle qui, lorsqu’elle était étudiante, avait rêvé tant de fois d’y pénétrer, ne pouvait pas mesurer le plaisir qu’elle avait ressenti quand elle s’y était rendue la première fois. Aujourd’hui encore, elle passa les premiers arbres en arborant le même sourire. Il faut dire que les couloirs bondés et bruyants de Poudlard restaient toujours aussi insupportables. Et c’était pire pour un professeur ! Elle passait son temps à se faire interpeller… « Madame, avez-vous corrigé nos copies ? » « Madame, Oliver m’a volé ma baguette ! » « Madame, est-ce vrai qu’un cynospectre peut nager  ? » Etc., etc. Désormais, elle devait apprendre à se montrer courtoise et toute disposée à répondre aux requêtes les plus insignifiantes ou aux questions les plus stupides. D’ailleurs, la personne qui a dit un jour qu’aucune question n’est bête, n’a sûrement jamais dû avoir à faire à Billy Blurry de Serpentard…

Progressivement, sous le couvert des arbres, Thalie ralentit le pas. Il lui fallait suivre la trace d’un troupeau de licornes. L’une d’elles, blessée, exigeait des soins réguliers depuis plus d’une semaine. Mais la sorcière n’avait pas non plus toute la journée à perdre, il lui fallait se trouver en lisière de la forêt et visible depuis le parc dans une demi-heure précise. Heure où elle avait rendez-vous avec Rhiannon Gray, une élève de sa maison. Une jeune femme dont Thalie appréciait la vivacité d’esprit et la curiosité, mais pour laquelle elle devait également se montrer attentive. La directrice l’avait entretenu sur l’histoire de Rhiannon et ses malencontreuses aventures. Thalie avait beau avoir elle même un goût prononcé pour l’aventure, elle ne pouvait pas laisser la jeune mage se mettre davantage en danger et l’avait donc convoquée pour un entretien. Une pièce chauffée du château aurait sûrement fait l’affaire, mais Thalie n’avait jamais été très fan des ambiances solennelles et l’état de son bureau ne permettait de toute façon pas d’y accueillir un élève sans risquer de le faire fuir. Un rendez-vous en lisière de la forêt interdite près de l’arbre au tronc torsadé avait eu sa préférence.

Thalie ne tarda pas à trouver la licorne qu’elle cherchait. La merveilleuse créature, si elle s’était montrée craintive au départ, comprenait désormais qu’elle pouvait suivre l’humaine sans crainte et que cela contribuerait à sa guérison. Tout naturellement, elle suivit donc Thalie à bonne distance, puis leur marche ne tarda pas à devenir parallèle. Quand le soleil recommença à percer à travers les branches et que le parc apparut dans toute son immensité face à elle, la licorne se tenait tout près de la sorcière. Elle s’allongea dans l’herbe humide. La pluie avait cessé de tomber. Thalie se trouvait bien près de l’arbre où elle avait donné rendez-vous à Rhiannon la veille. Pour transmettre son message, ni hibou, ni patronus, elle était directement allée voir la jeune élève à la sortie d’un cours. L’heure du rendez-vous se rapprochait. Thalie s’accroupit, attacha rapidement à l’aide d’un ruban ensorcelé ses cheveux en chignon, puis posa son sac à côté d’elle. Elle l’ouvrit en grand pour sortir ce dont elle avait besoin afin de panser la licorne. La pâte droite de l’animal était blessée et une profonde entaille marquait sa chair. Thalie commença par la nettoyer délicatement.

« C’est bien ma belle. Promis, je n’en ai pas pour très longtemps... » A cet instant, Thalie sentit quelque chose se poser sur son épaule. Sans la moindre surprise, elle détourna le regard vers le minuscule Botruc qui commençait à prendre tranquillement ses aises et à se caler dans le creux de son cou. « Bonjour Fíli. Tu t’es encore disputé avec tes frères ? » La minuscule créature la fixa avec des petits yeux larmoyants puis bailla. En réponse, la sorcière rit toute seule. Au fond, elle se fichait bien qu’on la prenne pour une folle. Elle adorait les créatures magiques et leur compagnie était souvent beaucoup moins décevante que celle des hommes… « Vilain garçon. Je ne serai pas toujours là, tu sais ! » Elle rit de plus bel puis releva la tête. Quelque chose avait attiré son attention. Le Botruc courra pour venir se cacher dans ses cheveux, juste derrière son chignon. Au loin, elle vit la silhouette d’une élève qui approchait et qu’elle reconnut instantanément à sa chevelure. Thalie se redressa pour lui faire signe. La licorne, toujours à ses pieds, attendait sagement. Thalie épousseta ses vêtements et retourna à ses soins en attendant Rhiannon.