C'est un Néant. Un monde gigantesque et blanc, qui s'ouvre à lui comme une rose éclot, un monde de grandeur et d'absolu, gorgé d'un vide qui le remplit. Il est seul sans se sentir isolé, arpentant sans marcher un univers tout neuf qui s'offre à ses pupilles mortes. Il ne voit plus rien et pourtant il est omniscient. Son corps est brisé et pourtant il ne s'est jamais senti si vivant. La sensation est grisante de tranquillité, prenante par son absence. Jamais n'a-t-il respiré air aussi pur, jamais n'a-t-il entendu son cœur battre si fort. Rien ne le retient, et seule la paix l'emporte loin, loin de cette vie de bohème, loin des tracas d'un quotidien maigre en richesses. Il se sent Bien, là, dans cet endroit imaginaire où seule la vacuité règne et couronne ses songes les plus fantasques. Seul compte l'instant, cet instant de grâce où rien n'arrive et où tout se ressent. Dwight se sent Grand. Dwight se sent enfin calme. Dwight aimerait rester ici, juste une seconde de plus.
Pourtant, l'inconnu en a décidé autrement. La vérité s'impose à ses oreilles à l'instant même où ses mots résonnent dans ce paradis perdu. Dès lors, tout se perd, tout s'effrite, tout se meurt et les mains ténébreuses de la conscience s'immiscent dans cette nature épargnée pour la briser de toute part. Le silence laisse place à des sons stridents. La délicate sensation de flottement est broyée d'une pesanteur de plomb qui pèse sur tous ses membres. Pire que tout : la douleur. Elle est plus insidieuse, plus sournoise, glissant sous la surface de sa conscience pour venir mordre chaque nerf de son pauvre corps. La vie s'offre à lui à mesure que la souffrance le tue. Il ouvre les yeux.
La blancheur de la pièce est aussi aveuglante que son environnement est flou. Tout en ce lieu est agressif, tout en cette scène est violent. Dwight se sent déjà mal. Il fronce les sourcils, mécontent de son réveil, fronce jusqu'à parvenir à se focaliser sur une tâche qui trône au plafond.
- Bonjour. N'essayez pas de parler de suite, vous êtes blessé. Revenez doucement à vous, prenez votre temps.. Je vous attends.
-
M'rci, C'ptain'. Sa voix éraillée est à peine audible, ses lèvres font mal en bougeant et articuler les mots lui donne la sensation d'avoir explosé de l'intérieur, mais il s'estime satisfait. Qui que soit ce type, il ne veut pas lui obéir, et surtout ne veut pas obéir à sa propre santé. Il en a vu d'autres. Toutefois, s'il en croit la terrible douleur qui remonte lentement le long de son épaule, il a fait fort cette fois-ci. Cela le tue de l'admettre, mais il mérite son séjour à l'hôpital. À cette idée, il soupire.
« J'toujours pas réussi à m'tuer, hein ? Qu'est-ce qu'j'ai foutu, c'te fois ? »Articuler est pour lui ce qu'un marathon est à un cul-de-jatte. Et comme cela l'agace plus encore, il tourne son exécrable humeur vers cet interlocuteur venu de nulle part. Son regard bleu est rendu électrique par l'orage qui y règne. Tout en cette situation le gave, l'hôpital en première position. Il déteste ce genre d'endroits, leur odeur aseptisée et leur personnel trop souriant, déteste surtout les nouvelles qu'on y annonce. Merdiques, trop souvent.
« Et p'rquoi z'êtes là, vous ? »Le ton parvient à être bougon en dépit de sa fatigue, ce qui ne manque pas de l'emplir d'une certaine fierté. Mal placée, certes, mais il s'en moque. L'important, c'est que ce visiteur – qui a inexplicablement rompu son sommeil – sente à quel point il ne lui est pas reconnaissant. Pas le moins du monde. Le regard qu'il tourne vers lui est tout sauf bienveillant.
Le type est grand, avec un visage gentillet qui lui donne envie de proposer une distribution de claques. Et tandis que lui vient l'amère pensée que sa frustration, son infime panique et sa douleur sont les instigatrices de pareils désirs, Dwight fusille cet invité indésirable du regard. Le parfait bouc-émissaire. Toutefois, il garde le silence. Ceux qui se taisent se trompent rarement, et le mutisme laisse suffisamment de place pour ses songes.
Si cet homme est venu, c'est pour une raison. Il le sait. Pourtant, pour tous les efforts qu'il y met, il peine à réunir les souvenirs qui le mèneront à cette chambre insipide. Rien, il n'y a tout simplement rien dans cette mémoire qu'il voudrait pleine. Ce constat l'agace autant qu'il l'angoisse. Perdre les pédales, il connait, et ça ne lui plait pas plus que ça. La perspective est même glaçante en soi. Le regard des gens, l'idée de ne plus jamais se sentir à sa place et surtout de ne jamais retrouver à l'esprit cette normalité synonyme d'apaisement, tout est... Trop, beaucoup trop familier.
Il n'espère qu'une chose : qu'on ne lui annonce pas la mort d'un ami.
- Spoiler:
Désolée du délai, j'espère qu'il te plaira tout de même ! N'hésite pas à me dire si quelque chose te dérange